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chent-ils cet accord ? Tant pis, mais encore faut-il que nous soyons gouvernés, fortement et dignement gouvernés.

La majorité qui se forme n’est point étroite, tracassière, exclusive. Ceux qui resteront en dehors s’en seront exclus eux-mêmes ; ceux qui, doués des moyens nécessaires, n’auront pas su prendre parmi ses chefs le rang qui leur appartiendrait, auront obéi à je ne sais quelles fantaisies, et auront préféré rester dans d’autres camps que dans le camp gouvernemental.

Quoi qu’il arrive, la session nous paraît s’ouvrir sous d’heureux auspices, et certes on nous permettra d’en féliciter nos amis. Les 221 ont fait preuve d’une modération et d’un tact politique qui les honorent, et nous ne doutons pas qu’ils ne persévèrent jusqu’au bout dans l’œuvre de reconstruction dont ils sont une partie si essentielle.

Un écrit remarquable a paru ces derniers jours. Le Roi, la Chambre, le Ministère, le Pays, tel est son titre. « Ceci est l’œuvre d’un homme de bonne foi, » telle est son épigraphe. Nous la croyons sincère. L’écrit se fait remarquer par une appréciation fort ingénieuse, souvent caustique, presque toujours vraie, des choses et des hommes. Mais l’auteur aussi n’est qu’un homme. À force de sonder à fond les passions d’autrui, il n’a pas pris garde aux siennes. Certes, nous sommes tout prêts à rendre, avec lui, pleine et entière justice aux hommes éminens qui ont mérité ses éloges ; mais nous ne saurions souscrire également à certaines critiques et à certaines attaques. On dirait qu’il y a là de la rancune, tant les paroles sont amères et les reproches graves et mal fondés. On peut ne pas approuver toute la conduite politique même des hommes les plus haut placés par leur talent ; mais il ne faut jamais oublier les services qu’ils ont rendus à la France.

L’Académie française a fourni matière à conversation pendant vingt-quatre heures. C’est beaucoup par le temps qui court. M. Berryer y a obtenu dix voix, dont six de légitimistes. Il faut espérer, pour l’honneur des immortels, que pareilles aberrations ne recommenceront pas. M. Berryer n’est pas Châteaubriand. Loin que sa gloire littéraire puisse faire oublier son rôle politique, ce n’est au contraire que par son rôle politique qu’on a pu concevoir la pensée de le porter au fauteuil académique. M. Berryer, homme d’esprit, a dû rire des suffrages qu’il s’était fort habilement procurés. C’est fort beau pour lui d’avoir lutté ; il doit lui suffire d’avoir fait peur ; il ne recommencera pas ; un second échec changerait les rôles, et ce n’est pas le plus beau qui lui resterait.

On dit que M. Cormenin se présente à l’Académie des sciences morales et politiques. C’est donc une gageure des opinions extrêmes ? Elles veulent faire irruption dans l’Institut. Après avoir échoué dans la région des faits, elles veulent se mettre en évidence dans celle des idées. Il serait déplorable de voir l’Institut, ce pacifique asile des lettres et des sciences, devenir le champ de bataille des partis politiques. Déjà, dans l’Académie des inscriptions, il y a eu, dit-on, des alliances qui ne rappellent que trop celles qui se sont réalisées dans certains colléges électoraux.