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LA NOUVELLE-ZÉLANDE.

ses habitudes, ses vêtemens, sans subir de graves et cruelles altérations. La vie sociale est comme la vie de l’homme : une modification de régime l’atteint dans sa source même. L’énervement physique qui s’est déjà produit à Taïti et à Hawaii n’épargnera pas sans doute la Nouvelle-Zélande. Il se peut même qu’aucun de ces groupes ne résiste à cette épreuve décisive, et ainsi se trouverait justifiée cette loi qui fait succéder les races aux races, comme les individus aux individus.

Avec les baleiniers la Nouvelle-Zélande a vu paraître en bien plus grand nombre les vaisseaux des puissances européennes, les uns chargés de missions scientifiques, les autres d’une surveillance militaire. L’Angleterre y a envoyé quelques croiseurs, et dans le nombre, le capitaine Hobson du Rattlesnake. La France n’est point demeurée en arrière, et, dans l’espace de douze ans, cinq expéditions successives ont montré aux indigènes des hommes de Marion, comme ils les nomment encore. En 1824, la Coquille mouille dans la baie des Îles et y exécute de beaux travaux d’hydrographie. En 1827, l’Astrolabe, après avoir exploré et relevé toute la côte orientale de la Nouvelle-Zélande, jette à son tour l’ancre dans les mêmes eaux, et complète avec une grande autorité les observations antérieures. La Favorite y paraît en 1831, et nous donne de son voyage une relation pleine de charme et d’intérêt. L’année 1838 est encore plus féconde : deux fois le pavillon français se montre dans la baie des Îles, la première fois sur la corvette l’Héroïne, capitaine Cécile ; la seconde sur la frégate la Vénus, capitaine Dupetit-Thouars. L’Héroïne trouva sur les lieux le premier missionnaire catholique qui s’y soit fixé, M. de Pompallier, évêque de Maronée. Arrivé à la Nouvelle-Zélande vers la fin de 1837, ce digne ecclésiastique avait eu toutes les peines du monde à se soustraire aux violences furieuses des naturels, ameutés par les missionnaires épiscopaux. La présence de l’Héroïne[1], l’appui énergique et loyal du commandant Cécile firent sur-le-champ au prêtre catholique un meilleur sort et une meilleure place. La malveillance fut intimidée, les haines s’apaisèrent. La Vénus acheva ce que l’Héroïne avait si dignement commencé, et le brave capitaine Dupetit-Thouars, nom glorieux dans notre marine, couronna l’importance de sa station par des travaux qui vont être publiés prochainement.

Cependant, depuis 1832, les Anglais avaient compris qu’ils ne pouvaient laisser la Nouvelle-Zélande à la merci des criminels et des

  1. L’Héroïne ne quitta la baie des Îles que pour aller châtier les insulaires de Chatam, qui avaient massacré l’équipage du Jean Bart, bâtiment français.