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LA NOUVELLE-ZÉLANDE.

législative. Les lords Durham et Petre se chargèrent de solliciter le concours de la chambre haute ; MM. Francis Baring, Molesworth, William Thompson, celui de la chambre des communes. Un peu de charlatanisme se mêlant toujours aux spéculations, la compagnie commença par s’emparer de deux Zélandais du détroit de Cook, qu’un bâtiment du Havre avait conduits en Europe. Elle les attacha à son entreprise et s’en fit une sorte de prospectus. L’un d’eux est mort depuis ; mais l’autre, nommé Hiakai, a survécu. Son témoignage a été recueilli dans l’enquête de la chambre des lords, et il est vraiment curieux d’y lire ses réponses empreintes d’une précision judicieuse et pleines d’une intelligente réserve. Hiakai a dû être et a été l’interprète naturel de la première expédition.

Le plan de la compagnie était d’obtenir, avant tout, la reconnaissance formelle du parlement, et, pour dissimuler jusqu’aux apparences d’une spéculation privée, elle se refusa à énoncer aucune espèce de capital social. Cette manière de procéder cachait un piége. Elle impliquait deux choses, une prise de possession de la part de l’Angleterre, et une délégation de ses pouvoirs à une association commerciale. La compagnie se réservait, comme moyen financier, de contracter un emprunt qui aurait eu pour fonds d’amortissement le premier produit de terres, et qui, émis sous l’empire d’une investiture solennelle, se serait assuré sur-le-champ une belle place dans le crédit public. On le voit, il y avait là-dessous bien des primes d’encouragement à l’agiotage. L’enquête de la chambre des lords n’avait pas à s’en occuper ; mais, devant la chambre des communes, saisie de la question durant la session de 1838, ces difficultés furent mises en évidence, ces intentions secrètes furent pénétrées. On comprit qu’on allait engager le pays, avant l’heure, dans une solidarité qu’il ne pouvait pas subir, et mettre son influence au service d’un intérêt particulier. D’ailleurs, une prise de possession, si détournée qu’elle fût, était un acte essentiellement diplomatique, et, en risquant une semblable initiative, le parlement franchissait les limites de sa compétence. D’autres circonstances militaient encore contre l’acceptation du bill. La société évangélique de Londres, puissante par ses richesses et par ses relations, s’était dès l’abord prononcée contre toute colonisation civile. À l’entendre, ses missionnaires seuls pouvaient poursuivre sagement et utilement la première éducation d’un pays sauvage, lui inspirer des mœurs religieuses et des habitudes sociales. Tout autre mode d’initiation devait non-seulement échouer, mais encore entraîner des résultats funestes. Les