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nions politiques, à faire tous les ans le commentaire du même chapitre d’histoire ancienne. À moins de dépouiller le vieil homme, il ne peut prendre aucune part vraiment active aux choses réelles, aux affaires vivantes du pays. L’opposition de gauche, celle qui prétend dépasser ce qui est, ou du moins le modifier profondément, peut, malgré son excentricité et ses exagérations, jouer dans nos débats un rôle actif, de tous les jours ; mais que peut une opposition qui voudrait, contrairement aux lois de notre nature, ramener le pays en arrière et ressusciter les morts ? Le jour n’est pas loin où M. de Brézé ne sera plus compris de personne, où ses refrains obligés fatigueront même la politesse de la pairie, où son beau talent sera perdu pour tout le monde, pour son parti comme pour la France. Les royalistes de quelque valeur devraient pourtant comprendre, à la lumière de l’histoire, que le moment est arrivé de cesser, sous peine du ridicule, d’être des hommes rétrospectifs pour devenir des hommes de leur temps et de leur pays. La France, qui ne veut pas de jacobites, peut encore comprendre et accepter, dans une certaine mesure, des tories.

La première séance de la chambre des pairs n’a été remarquable que par deux faits bien divers, et, nous le dirons, la satisfaction que nous avons ressentie du premier de ces faits, n’a pu effacer l’impression pénible que le second nous a fait éprouver.

Un des ministres s’étant servi, pour dire qu’il ne parlerait pas du passé, d’expressions qui, à la rigueur, auraient pu être interprétées comme ne promettant au 15 avril qu’un silence indulgent, M. le comte Molé prit la parole pour déclarer que le 15 avril n’acceptait l’indulgence de personne, qu’il se faisait gloire de son administration et de tous ses actes, qu’il était prêt à les défendre envers et contre tous, et qu’il ne lui manquerait pas de nombreux et fidèles auxiliaires dans l’une et l’autre chambre. Cette déclaration faite d’un ton ferme, en termes pleins de simplicité et de noblesse, fut accueillie par de nombreuses marques d’approbation, et plus d’un membre de la chambre regrettait hautement que les orateurs qui ont parlé après la déclaration de M. Molé, ne lui eussent point fourni l’occasion de monter à la tribune.

Nous n’insisterons pas sur le second fait, sur l’apparition à la tribune de M. le président du conseil. Nous avouerons sans détour qu’il nous est impossible de comprendre la résignation d’un homme aussi éminent à un rôle si peu digne de sa renommée et de sa gloire.

L’adresse ne s’est écartée du cadre tracé par le discours de la couronne que par un amendement en faveur de la Pologne, proposé par MM. d’Harcourt et Tascher, et que la chambre des pairs a adopté.

C’est à la chambre des députés que de rudes combats ont été livrés au ministère. Dans la discussion générale, les partis ont essayé de se dessiner ; le jeu des répulsions et des attractions n’a pas tardé à se faire apercevoir, et le travail parlementaire pour la reconstruction d’une majorité a pu frapper tous les yeux.