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LA RÉPUBLIQUE D’AMALFI.

de la montagne de Cama. Les colons débarquèrent dans l’un des deux petits ports, et, gravissant les pentes voisines, s’établirent dans la plaine inclinée qui s’étend au sommet de la montagne. Quelques pâtres, derniers débris des réfugiés picentins, habitaient seuls ces solitudes alpestres ; ils devinrent citoyens de la nouvelle ville, qui, peu à peu, vit le nombre de ses habitans s’accroître de tous ceux qui, fuyant devant les barbares, apportaient avec eux leurs richesses et leur industrie.

La roche de Cama fut donc bientôt couverte de maisons et d’édifices de tout genre ; la nouvelle ville eut un théâtre, un capitole, des bains, des temples, des palais dont on voit aujourd’hui les ruines, et, ses habitans, ne se regardant pas comme suffisamment protégés par la nature, s’entourèrent d’une forte muraille garnie de cent tours dont quelques-unes sont encore debout. Cette ville s’appela la Scala, sans doute parce que l’on ne pouvait s’y rendre du rivage de la mer que par une longue suite de degrés.

Dans le courant du VIIe siècle, la tranquillité s’étant rétablie en Italie, et le danger étant moins imminent, quelques-uns des habitans de la Scala, se trouvant à l’étroit sur la montagne, se hasardèrent à transporter leur demeure sur la plage, au bas du rocher[1]. Leur exemple fut suivi par tous ceux que fatiguait l’âpreté de la montagne, ou que l’espérance d’une prompte fortune, acquise par le commerce, attirait vers la mer. Ces dissidens donnèrent à la cité qu’ils fondèrent sur la plage le nom d’Amalfi en mémoire de la ville habitée par leurs pères ; Amalfi peut donc être considérée comme la fille de la Scala[2].

Amalfi, comme Venise et Pise, qui lui disputèrent et finirent par lui ravir l’empire de la Méditerranée, eut donc des Romains fugitifs pour fondateurs. Les uns se réfugièrent dans des îles au milieu des marais, les autres par-delà une chaîne de montagnes escarpées.

La ville naissante avait besoin d’un appui : elle le chercha auprès du pouvoir qui, à cette époque, offrait les garanties d’ordre et de sécurité les plus grandes ; elle reconnut le protectorat des empereurs d’Orient. Constantin Porphyrogenète la compte au nombre des cinq villes principales qui relevaient de l’empire grec dans le midi de l’Italie. Ces cinq villes sont Capoue, Naples, Bénévent, Gaëte et Amalfi.

La colonie, dans le principe, fut régie par des institutions municipales empruntées aux cités romaines. L’un des deux patrices de l’empereur en Italie nommait son préteur, ou epata, gouverneur militaire de la ville ; les citoyens choisissaient leurs magistrats dans des assemblées annuelles, votaient les dépenses de la cité et le subside destiné au César protecteur. Sans être parfaitement indépendant, le petit état était déjà républicain[3].

Il semble que ces villes de la Campanie et du Picentin, relevant de l’empire

  1. Descenderunt de Scala ad vallem illam usque ad littus maris… et in eo loco ipsi Malphitani cœperunt ædificare urbem. (Chron. amalphitanum.)
  2. Peperit Scala ipsam Amalphiam metropolim. (Ughelli, Ital. sacra, tom. VII.)
  3. Camille Peregrin, in Trad. Benev., pag. 31, 71.