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POÉTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

pour Ossian était une occasion de taquinerie littéraire qui amena plus d’un bon mot. Les nébuleux chants de Fingal ne devaient pas, du reste, séduire M. Lemercier, dont l’esprit, tout novateur qu’il fût, ne pouvait se détacher complètement des traditions du XVIIIe siècle.

C’est là, en effet, ce qui caractérise surtout le rôle de l’auteur d’Agamemnon. Bien qu’il se soit montré étranger et même hostile au grand mouvement littéraire qui date de M. de Châteaubriand et de Mme de Staël, il n’est pas de l’école de l’empire. Le génie nouveau et le génie de l’imitation classique se croisent, se mêlent, et, si je puis dire, s’enchevêtrent souvent en lui. Une certaine insuffisance de goût, un certain manque de discernement délicat dans le détail, font souvent obstacle, et, par les inégalités, empêchent l’œuvre de se déployer à l’aise. Lui aussi, il a ce lutin familier dont Molière dotait Corneille, ce lutin de l’inspiration qui soufflait ses admirables vers au grand tragique, mais qui à certains momens l’abandonnait à sa fougue. Chez le moderne écrivain, le lutin malicieux ne prodigue pas ses apparitions : Par bonheur, il fut assidu lors d’Agamemnon et de Pinto, et, tout fugitif qu’il soit, nous le ressaisirons encore, surtout dans les tentatives audacieuses qui mettent à part M. Lemercier. Pourquoi, hélas ! le poète a-t-il perdu ses meilleurs soldats en éclaireurs hardis sans doute, mais quelquefois égarés par l’isolement ? Pourquoi a-t-il laissé le gros de ses troupes fourrager au hasard dans les champs rebattus de la littérature impériale ?

Toutefois l’antiquité n’était pas épuisée encore pour lui. Déjà Agamemnon et les Quatre métamorphoses avaient révélé une connaissance des lettres grecques très réelle et très approfondie. M. Lemercier courait avec la même ardeur curieuse et le même instinct d’assimilation à quelque sublime beauté tragique ou à quelque libre épigramme de l’Anthologie. Rome aussi devait l’attirer à son tour, et bientôt, sans s’arrêter aux banalités du forum qu’il ne garda que pour sa tragédie de Camille, il monta droit aux collines d’Évandre. L’admirable génie de Plaute, fort peu goûté sous l’empire, le séduisit aussitôt ; dès 1808, il pressentait cette juste réhabilitation qu’ont value au grand comique la traduction de M. Naudet et les leçons de M. Patin. Il s’éprit même si bien de Plaute, qu’il en fit le héros d’une pièce à laquelle il faut sans doute un public tout-à-fait lettré, mais dont la lecture demeure pleine d’agrément.

La trame de ces trois actes est parfaitement antique. Un jeune Romain amoureux d’une esclave qu’il a vue au port, une amante jalouse qui se substitue à cette rivale, un vieil oncle ladre qu’on dupe pour