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L’INDUS. — LE SINDH.

de libéralité que pour nourrir la paresse des sayëds[1], de goût que pour orner les tombeaux de leurs saints. Les sayëds et les fakirs, mendians religieux à pied et à cheval abondent dans toutes les parties du Sindh ; ils demandent l’aumône avec arrogance et souvent la menace à la bouche. Mendier est un métier si profitable dans ce pays, que beaucoup de gens du peuple suivent cette vocation, et s’attirent les respects et les offrandes de la multitude sans y avoir d’autres titres qu’une apparence étudiée d’austérité et de pieux recueillement. Rester assis toute une nuit, par exemple, sur le toit en terrasse d’une maison, et répéter des milliers de fois, sans interruption, le nom d’Allâh, suffit pour donner à l’un de ces personnages une réputation de sainteté. Au reste, tout se réduit à ces démonstrations extérieures et à ces vaines pratiques. Pour un homme vraiment religieux et de quelque instruction, on en rencontre cent parmi ces classes privilégiées qui savent à peine lire et qui ne savent pas écrire. Dans toutes les classes, le goût des plaisirs sensuels, des jouissances matérielles les moins relevées, l’emporte sur le sentiment du devoir et les affections de famille. Les personnes des deux sexes s’abandonnent à l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses et des drogues enivrantes. Les exercices mâles propres à entretenir et à développer la vigueur de la constitution sont inconnus au bas peuple, qui, ainsi que les grands du pays, regarde l’oisiveté, il dolce far niente, comme le bien suprême. Dans ce pays ainsi peuplé et ainsi gouverné, on conçoit que l’agriculture se repose sur l’Indus du soin de fertiliser le sol, et que le commerce languisse ou soit comprimé dans son essor par l’aveugle rapacité du despotisme. Cependant les Sindhiens, nous le répétons, ont un penchant marqué à l’imitation et beaucoup d’aptitude pour les arts mécaniques. Ils fabriquent des armes d’assez bonne qualité, ils préparent les cuirs mieux qu’on ne le fait dans l’Hindoustan. Nous avons vu qu’ils réussissent particulièrement dans la fabrication de certains tissus ; mais ces différentes branches d’industrie, que le gouvernement musulman a constamment rançonnées au lieu de leur donner quelque encouragement, n’ont produit, surtout dans ces derniers temps, que ce qui pouvait suffire à la consommation locale.

La plupart des chefs sont Beloutchis. Il y a quelque analogie de position entre eux et les mamelouks au milieu des populations égyptiennes, et ce n’est qu’une des nombreuses analogies qui, sous le

  1. Descendans du prophète.