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REVUE DES DEUX MONDES.

M. Paul de Musset devient plus spirituel et tout-à-fait lui-même en rentrant dans la bonne compagnie. Son héros Rodolphe, fatigué des grisettes et des amours faciles, rêve une affection plus poétique. Un joli bras qui vient chaque jour, de l’autre côté du square et vis-à-vis ses fenêtres, arroser quelque pots de myrtes, lui donne à songer. Il y a là des détails délicats et vrais. Après bien de petites vicissitudes de cœur, Rodolphe fait la connaissance de sa jolie voisine. C’est la femme d’un colonel assez maussade qui pourtant invite le jeune homme et le reçoit.

Comme on suppose, Rodolphe aime Mme Gallemand, qui le plaisante d’abord sur ses aventures ; le jeune homme déclare sa passion croissante, et on le renvoie aux conquêtes aisées ; il fait alors mille folies auxquelles Mme Gallemand, toute raisonnable qu’elle soit, coopère très bien pour sa part. C’est entre autres un voyage fait à Marly exprès pour pouvoir écrire et obtenir des réponses. Quelques-unes de ces lettres sont fines, bien tournées et charmantes. Revenu à Paris, Rodolphe finit par triompher de Mme Gallemand. Je ne veux pas me plaindre de l’absence de moralité de toute cette action. C’est chose reçue en romans. Mais il est difficile d’accepter les longs et particuliers détails de ce dénouement amoureux. Rodolphe ne rêvait-il pas l’idéal tout à l’heure ?

Par malheur, le roman s’arrête là, et on n’est encore qu’au milieu du volume. Aussi, l’action manque-t-elle absolument dans la seconde partie, et la jalousie du colonel n’est pas plus amusante que tous les regards possibles de maris inquiets, car M. Gallemand est bien doux auprès du mari d’Indiana. On attend donc le dénouement un peu trop long-temps ; Rodolphe devient héritier, et l’auteur nous apprend qu’il a fui avec Mme Gallemand, et qu’on le suppose en sûreté au-delà des mers.

Le Bracelet, en résumé, est une bluette aimable, où l’esprit ne couvre pas suffisamment peut-être le défaut d’action, et où il est un peu trop question de jolies confiseuses et de piquantes fleuristes. Toutefois, un style distingué et d’une réelle élégance, des parties gracieuses, de fines observations, me donnent regret d’être sévère. L’auteur de Lauzun a voulu se délasser ; il réussit toujours à plaire ; il prendra un peu plus garde aux moyens une autre fois.



V. de Mars.