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d’une manière sensible. La prairie est plus ondulée, mille ruisseaux limpides l’arrosent dans tous les sens, et je ne doute pas que bientôt la colonisation ne se porte avec ardeur dans cette zone tempérée, qui s’étend jusqu’à la rivière Rouge. Si la navigation du Brazos y est facile, la population qui suivra son cours prendra à revers la Sierra de San-Saba, que ce fleuve contourne à sa pointe nord-est, et se répandra ensuite vers le Rio-Grande ou Bravo, dans un vaste pays que l’on connaît encore bien peu.

On trouve des sources sulfureuses dans l’espace qui sépare le Brazos de Rio-Navasoto, un de ses affluens de l’est. D’autres phénomènes y sont autant de traces d’un bouleversement volcanique. Ainsi, de distance en distance, au milieu de la prairie, le sol est enfoncé d’un ou plusieurs pieds au-dessous du niveau commun, et cela sur une étendue de terrain parfaitement circonscrite et limitée. On pourrait croire que des travaux souterrains auraient fait subitement fléchir les couches supérieures, qui paraissent déchirées et fendues. Les environs de New-Madrid et de Wicksburgh aux États-Unis présentent des enfoncemens analogues, et peut-être ces phénomènes ont-ils leur cause dans des convulsions pareilles à celles qui désolèrent, en 1812, une partie de la vallée du Mississipi. La petite rivière du Navasoto est bordée de forêts où j’ai vu de très beaux arbres, et entre autres des peupliers de la Caroline, dont le tronc avait au moins quinze pieds de diamètre.

La destruction du raft qui barrait pour ainsi dire le cours du Colorado, un peu au-dessus de son embouchure, a dû puissamment contribuer au développement de la population et du commerce dans le bassin de ce grand et beau fleuve. Le Colorado a généralement de 7 à 800 pieds de large et de 10 à 15 pieds de profondeur. Il est donc navigable pour les bateaux à vapeur dans la plus longue partie de son cours, et comme il traverse un pays d’une fertilité extrême, comme il donne accès aux montagnes de San-Saba, anciennement exploitées par les Espagnols, comme il pénètre même dans les plaines immenses qui s’étendent au nord-ouest de cette chaîne, on doit en conclure que ses bords ne tarderont pas à devenir une des contrées les plus riches et les mieux habitées de la nouvelle république. La ville de Matagorda, qui est déjà ancienne, lui sert de débouché sur le golfe Mexicain. Malheureusement il existe entre Matagorda et la haute mer une longue barre ou langue de terre, que les vaisseaux ne peuvent traverser qu’en un seul point, à la passe désignée sous le nom de Boca del Cavallo, et cette passe n’est pas assez profonde pour