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elle eut lieu. Évènement obscur et sans éclat, perdu au milieu des révolutions du Mexique et du grand mouvement de la confédération anglo-américaine, il n’eut aucun retentissement en Europe, et il est probable que parmi les témoins, les acteurs et les promoteurs de l’entreprise, bien peu en apprécièrent exactement la portée. C’est la marche et la loi de toutes choses en ce monde : un commencement inaperçu, une source cachée, souvent inaccessible, des premiers pas incertains, des progrès ignorés ; puis un grand fait qui éclate, un empire qui se révèle, une nation qui prend hardiment sa place, une révolution qui triomphe de toute résistance. Pour le Texas, le développement a été rapide ; les conséquences de la concession faite à Moses Austin n’ont pas tardé à se manifester. Quelques années devaient suffire pour donner une force irrésistible d’expansion à cet élément étranger que le Mexique avait admis dans son sein. La population du Texas n’étant pas assez nombreuse pour que cette province pût former à elle seule un état séparé, la constitution fédérale l’avait unie à la province de Coahuila, où l’élément espagnol dominait exclusivement. La capitale de l’état se trouva ainsi fort éloignée des premiers établissemens anglo-américains. Ce ne fut pas le seul inconvénient de cette union. Pour encourager la colonisation du Texas, la législation mexicaine, qui proscrivait la traite, permit néanmoins l’introduction des esclaves par terre, ce qui préparait, dans un avenir très rapproché, une opposition de principes sociaux dans un état dont les deux moitiés ne pouvaient conserver long-temps les mêmes intérêts. Cependant les premières années se passèrent sans collision, et le gouvernement de Mexico ne cessa d’attirer les citoyens des États-Unis au Texas et dans les provinces voisines, par des concessions de terres sur lesquelles on agiota beaucoup à New-York. Les colons eux-mêmes étaient encore trop peu nombreux, trop faibles et trop préoccupés des soins matériels de leur établissement pour songer à se séparer du Mexique. Aussi, dans les troubles causés à Nacogdoches, en 1827, par un certain Edwards, se déclarèrent-ils hautement pour l’autorité légale. Mais la lutte qui s’est terminée en 1836 par le triomphe des Texiens, était dès-lors sur le point de s’engager. Ce fut l’ambition du cabinet de Washington, favorisée par les déchiremens de la république mexicaine, et stimulée par des causes particulières à l’Union elle-même, qui en donna le signal ; car la question se présenta d’abord sous une forme qu’elle devait conserver long-temps, celle de l’adjonction du Texas aux États-Unis.

Il y avait déjà huit ans que les Anglo-Américains s’étaient intro-