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en Grèce d’officiers européens, pour l’inviter à envoyer sur-le-champ une lettre de moi à Santa-Rosa partout où il se trouverait. Dans cette lettre, je parlais à Santa-Rosa avec l’autorité d’un ami éprouvé, et lui donnais l’ordre formel de ne pas s’exposer inutilement, de faire son devoir et rien de plus. J’ai la certitude que si cette lettre lui était parvenue à temps, elle eût calmé l’exaltation de ses sentimens et de son courage. J’envoyai des doubles de cette lettre par huit ou dix occasions différentes ; j’ai la conscience de n’avoir négligé aucun moyen de le sauver, mais j’étais revenu trop tard.

Bientôt les plus funestes nouvelles nous arrivèrent du Péloponèse. Les avantages de l’armée égyptienne étaient certains, la résistance des Grecs mal concertée. Tous les journaux s’accordaient à applaudir aux efforts de Santa-Rosa ; l’un d’eux annonça sa mort. Cette nouvelle, quelque temps démentie, se confirma peu à peu, et à la fin de juillet j’acquis la triste certitude que Santa-Rosa n’était plus. L’Ami de la Loi, journal de Napoli de Romanie, après avoir rendu compte de la bataille qui avait eu lieu devant le vieux Navarin, s’exprimait ainsi sur la mort de Santa-Rosa : « L’ami zélé des Grecs, le comte de Santa-Rosa, est tombé vaillamment dans cette bataille. La Grèce perd en lui un ami sincère de son indépendance et un officier expérimenté, dont les connaissances et l’activité lui auraient été d’une grande utilité dans la lutte actuelle. » Je reçus presque en même temps une lettre de M. Orlando, du 21 juillet 1825, qui me confirmait cette triste nouvelle.

Ainsi tout doute était impossible ; je ne devais plus revoir Santa-Rosa, et le roman de sa vie et de notre amitié était à jamais fini. Quand les premiers accès de la douleur furent passés, je m’occupai de rechercher avec soin tous les détails de sa conduite et de sa mort. Je ne pouvais mieux m’adresser qu’à M. de Collegno, son compatriote et son ami, qui l’avait accompagné en Grèce. J’obtins de lui la note suivante, dont la scrupuleuse exactitude ne peut être contestée par quiconque a la moindre connaissance du caractère et de l’esprit de M. de Collegno :


« Santa-Rosa quitta Londres le 1er novembre 1824, et les côtes d’Angleterre le 5.

« Le motif principal qui lui faisait quitter Nottingham paraît avoir été l’état de nullité forcée à laquelle il se voyait réduit. Santa-Rosa écrivait à cette époque à un de ses amis : Quando si ha un animo forte, conviene operare, scrivere, o morire.