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REVUE LITTÉRAIRE
DE L’ALLEMAGNE.

Il y a douze ans que M. W. Menzel commençait ainsi son livre sur la littérature allemande : « Les Allemands n’agissent pas beaucoup, mais en revanche ils écrivent énormément. Si, dans quelques siècles d’ici, un honnête citoyen s’avise de reporter ses regards vers l’époque actuelle, il sera sans doute plus frappé de l’aspect des livres que de l’aspect des hommes. Il dira que nous avons rêvé et dormi avec les livres. C’est qu’en vérité notre nation est devenue tout écrivassière, et au lieu de porter dans nos armes l’aigle à double tête, nous pourrions fort bien y placer une oie. »

Cette extension de la presse, que la critique constatait en 1828 avec une amère ironie, n’a fait que s’accroître. Chaque année le catalogue des nouvelles publications augmente ; chaque année les mille ruisseaux de la librairie allemande débordent dans l’immense réservoir de Leipzig. Autrefois on pouvait énumérer encore, sans trop d’efforts, les ouvrages que le bulletin littéraire proclamait régulièrement à la foire de Pâques et de la Saint-Michel. Maintenant le statisticien le plus intrépide ose à peine les compter. Autant vaudrait dénombrer les feuilles de la forêt que le vent balaie en automne. Ce n’est plus un état normal, c’est un fléau pareil à celui des sauterelles d’Égypte.

Tandis que l’Angleterre et l’Amérique se jettent avec une incessante activité dans les rudes expériences de l’industrie, tandis que la France s’ameute autour de la tribune politique, l’Allemagne immobile, assise comme une filandière au coin de son foyer, continue à tirer patiemment le fil de sa quenouille. Tout