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REVUE. — CHRONIQUE.

rons à la fois soutenir et contenir. En Grèce, l’Angleterre, par le ministère de M. Lyons, empêche, embrouille toutes choses, et a rendu inutiles les directions et les conseils, aussi désintéressés que salutaires, que la France n’a cessé de donner au gouvernement grec. Le parlement d’Angleterre retentit tous les jours d’accusations, de plaintes, de suppositions contre la France, souverainement ridicules, il est vrai, mais auxquelles ne craignent pas de prendre part des chefs de parti, des hommes qui devraient être graves et mieux apprécier l’importance de l’union des deux pays. Certes, ce ne sont pas là les rapports de deux alliés bien intimes ; et cependant c’est de l’alliance anglo-française que dépend la paix du monde. Qu’on la suppose rompue, et il n’est plus de bornes aux conjectures : le champ des évènemens devient incommensurable ; c’est une mer sans rivage.

Ajoutons que le cours naturel des choses peut faire naître à tout instant des incidens graves. Le grand-visir a été frappé ; il est mort pour les affaires. Méhémet-Ali n’est pas jeune, et il n’est pas le seul grand personnage, prince ou non, qui approche du terme de sa carrière. Sans doute les hommes changent, les affaires et les intérêts restent les mêmes ; mais il en est de cette proposition comme de beaucoup d’autres : elle n’est vraie que dans une certaine mesure. La mort de l’empereur Paul, même celle de Fox, ne furent pas indifférentes pour la France. La mort de Ferdinand a été le commencement d’une guerre sanglante, atroce, en Espagne.

Cette guerre ne touche pas encore à son terme. On ne sait pas encore si Cabrera est mort ou convalescent. Qu’on dise ensuite que dans ce siècle tout se sait, tout se communique avec la rapidité de l’éclair. L’Espagne est un démenti permanent à notre civilisation. Espartero paraît enfin vouloir sortir de sa tente et commencer quelque promenade de printemps. Il prendra peut-être une ou deux bicoques ; il se reposera ensuite pendant six mois de ces énormes fatigues. À ce jeu, si Cabrera ne meurt pas de maladie, il mourra un jour ou l’autre de vieillesse.

Ce qui est plus rassurant pour l’Espagne, c’est le succès de ses élections et le bon esprit qui paraît devoir dominer au sein des cortès. La minorité y est plutôt turbulente qu’habile, plutôt tracassière que redoutable. L’émeute que les exaltés ont faite dans la salle des cortès et qui n’a pas trouvé d’auxiliaires dans les rues, est une preuve d’impuissance. Madrid a été mis en état de siége ; c’est un acte de vigueur. Le jour où l’Espagne pourra se donner une administration forte et intelligente, vaincre son insouciance et son fatal laisser-aller, elle remportera une victoire plus utile que toutes celles qu’elle peut gagner au pied des Pyrénées. Qu’elle offre à ses provinces le spectacle d’un gouvernement actif, régulier, et la pacification spontanée des provinces ne tardera pas à couronner les efforts de l’administration.

Les travaux de nos chambres, pendant la crise, méritent à peine d’être mentionnés. Il n’y a en que deux faits remarquables. À la chambre des pairs, l’éloge du général Bernard, par M. le comte Molé. Plein de faits intéressans et curieux, de rapprochemens ingénieux et délicats, d’aperçus élevés et de