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et si glorieuse au rétablissement de l’autorité de Shâh-Shoudja. Depuis l’arrivée de l’armée anglaise à Kaboul, ils n’ont cessé de témoigner, par l’insolence provoquante de leur langage et de leur conduite, de la haine que leur inspiraient ces étrangers et du mépris qu’ils affectent pour les troupes indiennes, ces cypahis dont la froide bravoure, la persévérance intrépide et la discipline forment cependant un contraste si frappant avec la folle jactance, les habitudes corrompues et l’insubordination orgueilleuse de ces fils dégénérés des compagnons d’armes de Nader Shâh. À entendre les Kazzelbash, l’armée anglo-indienne n’a dû son salut qu’à leur modération. « Si ce n’était pour ces hommes blancs, disent-ils, nous aurions bon marché de ce ramas d’Hindoustanis. » Une affaire un peu sérieuse aux portes de Kaboul aurait rabaissé la morgue de ces « bonnets rouges[1], » et leur aurait appris que le cypahi leur est aussi supérieur en vrai courage et en mérite militaire qu’en conduite et en valeur morale. Les Kazzelbash sont de beaux hommes, bien montés, bien armés, prompts à s’offenser comme à offenser les étrangers, surtout les Européens qu’ils ont en aversion : avec de semblables dispositions, il paraît bien difficile que le séjour des troupes anglaises à Kaboul puisse se prolonger beaucoup sans amener quelque collision sanglante entre eux et les Kazzelbash.

Outre ces étrangers, il y a encore dans les plaines du haut pays afghan plusieurs débris des innombrables hordes de conquérans qui les ont traversées. Dans cette catégorie, les Hazarehs tiennent, par leur nombre, la première place ; viennent ensuite les descendans des Moghols, des Tartares, des Kalmouks, des Kourds, des Lesguis et d’autres peuples du Caucase. On rencontre aussi plusieurs Abyssiniens ; le roi de Kaboul en avait autrefois plusieurs à son service comme gardes du corps. Quelques hommes sortis de cette caste ont joué dans l’Irân un rôle remarquable. Le nombre des Juifs établis dans l’Afghanistan n’est pas considérable ; la plupart d’entre eux se tiennent dans le Kaboul et s’occupent du commerce de la Haute-Asie jusqu’à la Chine.

Ainsi une multitude de peuplades d’origines différentes vivent maintenant côte à côte dans l’Afghanistan, et y ont conservé jusqu’à un certain point leurs habitudes et leurs mœurs ; mais rarement admises dans le sein des populations indigènes de manière à s’y fondre, et ne pouvant pas conserver leur individualité comme peu-

  1. C’est la signification des mots kassel-bash.