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aux cotonnades de couleurs foncées et aux habillemens en cuir ou en peau de mouton. L’activité du corps et de l’esprit est, chez ces peuples, poussée aussi loin qu’au milieu des Hindous l’indolence et l’apathie. Ceux-ci trahissent à chaque instant, et dans toute leur manière d’être, les habitudes de soumission servile à la domination d’un maître ; ceux-là sont libres et ne reconnaissent d’autre frein à ce sentiment de liberté qui les anime, que la force et la volonté de la masse.

La physionomie des pays n’est pas moins différente que celle de leurs habitans. À l’est de l’Indus, le terrain est égal et fertile, tandis que du côté opposé, il est plein des contrastes les plus frappans ; les changemens subits de température, l’impétuosité des vents d’hiver et de printemps sont autant de phénomènes très communs du côté de l’Afghanistan, et complètement inconnus dans l’Hindoustan. Les terrasses qui constituent la surface du premier sont remplies de sinuosités, de plaines et de gradins qu’on ne trouve point dans les domaines de l’Indus et du Gange.

Cette différence se fait remarquer jusque dans les plantes des deux régions ; celles de l’Afghanistan se rapprochent beaucoup plus des plantes européennes que des plantes de l’Hindoustan ; le dattier, si commun dans l’Hindoustan, ne se rencontre que par bouquets clairsemés entre les monts Soliman et l’Indus, et a disparu au-delà. Le dernier dattier observé par les voyageurs qui se dirigent du Sindh sur Kandahar, s’élève solitaire à l’entrée de la célèbre passe du Bolan. Vers le haut Indus, quand on s’avance dans l’Afghanistan, le dattier ne dépasse pas Peshaver ; cet arbre royal est entièrement inconnu dans l’Irân ; mais, en revanche, on y rencontre une foule d’arbres européens. Les jardins de Kaboul, de Kandahar, d’Hérat, en sont remplis ; les forêts de la Perse ne diffèrent en rien de celles de l’Europe. Le platane, qui orne les environs de Kashmir et tout l’Afghanistan, disparaît complètement près d’Attock sur l’Indus : c’est surtout à partir de ce point que la physionomie de l’Inde se dessine d’une manière plus prononcée ; c’est à partir de là qu’on ne rencontre, à mesure qu’on s’avance vers l’est, que des plaines ensemencées avec du riz et du froment. Le panorama prend, au-delà du Djélôm, un aspect plus monotone : il embrasse un pays sillonné par une multitude de rivières, et s’inclinant par une pente douce, mais continue, du côté du Bengale et de la mer. Les Afghans égarés dans ce pays ne ressemblent point à ceux de leurs compatriotes d’en-deçà de l’Indus.