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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/1005

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LA SICILE.

la ville rentra dans le domaine du prince ; et Roger, dans son zèle pour le christianisme, affecta cette baronie à l’évêque et lui accorda, avec les produits des douanes, le fleuve Giaretta, le mont Etna, ainsi que les prairies, les eaux et les bois qui avaient appartenu à l’ancien émir. Bientôt il fit plus encore, et y ajouta, en 1092, la terre et le château d’Aci avec toutes les familles sarrazines qui se trouvaient sur ce territoire. Quatre cent cinq familles musulmanes et trois cent cinquante mahométans restés à Aci, se trouvaient ainsi esclaves et attachés à la glèbe de l’église de Catane. Le dénombrement et la description de ces serfs forment deux volumes de parchemin, souscrits par le comte Roger. Celui de ces actes qui a rapport aux Sarrazins de Catane est large d’une palme sicilienne ; il est écrit en arabe, et la traduction grecque y a été jointe. Il porte la date de l’année 1101, désignée par le chiffre 6603, à la manière des Byzantins, qui ajoutaient à l’année de la naissance de Jésus-Christ l’année de la création, qu’ils plaçaient à 5502 ans. Le diplôme du château d’Aci est tout en arabe ; mais le préambule et la conclusion sont en grec. En 1510, les sceaux attachés aux diplômes furent volés dans les archives du chapitre de la cathédrale, par un paysan qui les croyait renfermés dans des boîtes d’or. Le premier évêque qui exerça en vertu de ces diplômes, fut un français, le prieur de Sainte-Euphémie, que le comte Roger manda du fond d’un couvent de bénédictins de la Calabre, et qui se fit accompagner d’un grand nombre de moines. Ainsi que les autres évêques appelés de la Normandie par Roger, l’évêque de Catane introduisit dans son église le culte usité en France et la liturgie gallicane. La cathédrale qui s’éleva alors, par l’ordre de Roger, fut construite avec les pierres, les marbres et les colonnes, débris du théâtre antique dont on voit encore quelques restes à Catane. Soixante ans après, l’Etna avait déjà détruit l’ouvrage du comte Roger. Le 4 février, jour solennel où l’évêque, le clergé et le peuple célébraient la fête de sainte Agathe, la patronne révérée de Catane, une irruption du volcan, accompagnée d’un tremblement de terre, couvrit l’église, en fit écrouler la voûte et ensevelit l’évêque qui officiait avec cinquante moines venus pour l’assister, ainsi que tout un peuple agenouillé et en état de grace, qui vit le ciel s’ouvrir pour lui quand la terre manqua sous ses pas.

Au milieu de la place du Dôme est une fontaine d’un mauvais goût qui a son grandiose. Au sommet de la fontaine s’élève un éléphant, et sur l’éléphant un obélisque qu’on dit égyptien. Mais malgré les hiéroglyphes, ou plutôt en raison de ces hiéroglyphes, ce doit être une des imitations romaines de ces monumens, fabriquées du temps