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narchie danoise. Ce chapitre est plein de faits curieux, de documens choisis et d’observations intéressantes. Malheureusement il est trop court. Il y avait tout un livre à écrire sur ce sujet : l’auteur a réduit le livre à une quarantaine de pages.

Une fois nos réserves faites à l’égard de cet ouvrage, nous ne pouvons que louer l’habileté avec laquelle l’auteur a suivi le plan qu’il s’était proposé. Son récit est vif et rapide, son style clair et animé, ce qui n’est pas un mérite commun en Allemagne, et chacune de ses pages dénote un travail consciencieux et une abondante érudition.

La réputation de M. Dahlmann est faite depuis long-temps en Allemagne, comme savant et comme écrivain ; il s’en est fait récemment une autre comme homme politique. C’est lui qui, en 1837, eut le courage de signer, avec les deux frères Grimm et quatre de ses collègues, une protestation contre les arrêts despotiques du roi de Hanovre. Privé de son emploi de professeur et banni de Gœttingue à la suite de cet acte énergique, il s’est réfugié dans le sanctuaire de la science. Il emploie aujourd’hui à écrire des livres le temps qu’il consacrait naguère à former des disciples. Puissent les sympathies qui s’attachent à son nom, à ses œuvres, lui servir d’encouragement dans ses travaux et de consolation dans son exil !

Geschichte von Port-Royal (Histoire de Port-Royal),
par le docteur Hermann Reuchlin.

Il y a dans la vie sociale certaines époques de doute et d’agitation où l’homme sérieux que l’avenir inquiète, que le présent irrite, se réfugie dans le passé et recherche comme un conseil ou comme une consolation ce que l’histoire rapporte d’un autre temps et d’une autre société. Quand on dit qu’un livre arrive à propos, cela ne signifie pas toujours qu’il est exactement adapté à nos intérêts, à nos passions, qu’il entre comme un plaidoyer dans la cause qui se discute, ou qu’il flatte comme un pamphlet le mouvement tumultueux de la foule. Tout au contraire, le livre qui arrive le plus à propos est souvent celui qui est le plus en opposition avec nos idées et notre état politique ou moral. Il instruit, il corrige, il nous indique une autre voie, il nous montre un autre but. Si c’est une œuvre de mérite, le contraste des évènemens qu’elle retrace ou des pensées qu’elle exprime avec les évènemens et les pensées de notre temps, ne sert qu’à lui donner plus d’éclat, comme les teintes monotones d’un ciel d’automne augmentent l’effet d’un rayon de soleil. Or, de tous les livres qui s’annoncent, au milieu de nos productions habituelles, comme des œuvres à part, il en est peu qui, en retraçant une époque déjà connue et des faits accomplis, présentent dans les circonstances actuelles un aussi grand caractère d’originalité, ou, pour mieux dire, d’étrangeté que celui-ci. C’est l’histoire de Port-Royal, l’histoire d’une association d’hommes réunis par les liens les plus fermes, dans un temps où nous ne connaissons plus que le lien mobile des coalitions qui se nouent et se dénouent à chaque changement de ministère, l’histoire d’un sentiment de foi lorsqu’il n’y a plus de foi ni en politique