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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/204

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REVUE DES DEUX MONDES.

nement beaucoup à faire pour lutter contre les susceptibilités de la censure et contre l’inconstance du public, que séduisent les belles manières et les joyeux et élégans propos de Cassandrino, son rival lilliputien.

Cassandrino a, en effet, d’énormes avantages sur le mauvais drôle de Trastevere. C’est un homme d’un âge fort mûr, mais jeune de manières ; Cassandrino, malgré la cinquantaine, est aussi leste qu’un séminariste. Il est toujours bien poudré, bien peigné, coiffé d’un joli tricorne, et, à le voir dans son bel habit rouge, qu’on croirait taillé dans le manteau écarlate d’un cardinal, on le prendrait presque pour un porporato. Sa culotte est rouge comme son habit, ses bas blancs sont bien tirés, ses souliers sont luisans, et son linge est d’une blancheur irréprochable. Cassandrino, comme tous les bourgeois romains, a l’usage du monde et une entente parfaite des hommes et des choses ; il sait médire et flatter à propos, fait la sourde oreille quand on lui dit de dures vérités, et il faut qu’on l’ait cruellement poussé à bout pour qu’il laisse échapper un juron ou un mot grossier. Il peut avoir des momens de mécontentement et de mauvaise humeur, mais il est presque sans exemple qu’il se soit jamais mis en colère. C’est à ces aimables qualités, et surtout à la finesse d’esprit qu’il cache sous des dehors modestes, que le petit personnage doit la singulière faveur dont il jouit auprès du peuple romain, auprès des Romani et des Popolanti surtout, c’est-à-dire des habitans de la nouvelle Rome. Ceux-ci font fi de Meo Patacca, et l’appellent paltone ou villano.

Nous ne voulons en aucune façon discuter le plus ou moins de mérite dramatique des petites comédies qui sont représentées chaque soir au théâtre du palais Fiano. Nous voulons seulement faire connaître le personnage qui en est le héros, personnage typique, et dont les habitudes, les faiblesses et les ridicules nous initient merveilleusement à la connaissance du caractère romain.

Entrate, ô signori ! nous crie le portier du théâtre. Nous payons six baiocques, et nous entrons. La compagnie est tout autre que pouvait le faire redouter la modicité du prix. Six baiocques, c’est une somme pour un Romain. La bourgeoisie seule fait de ces dépenses-là pour son plaisir ; la canaille est donc restée à la porte.

Ce soir-là, nous avions le Voyage à Civita-Vecchia et une pièce féerique avec ballet.

Cassandrino, comme tous les vieux garçons, s’est aperçu un beau jour qu’il s’ennuyait affreusement. Il s’accorde cependant toutes les petites douceurs et se fait tous les jolis cadeaux qu’un vieux garçon