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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

prise de Santa-Anna lui-même. Ainsi ce n’est pas à eux que le fort de Velasco s’est rendu, c’est aux forces de Santa-Anna. Ils savent combien leur origine étrangère a fait accumuler contre eux de calomnies, et quels desseins on leur attribue, pour ranimer les vieux préjugés espagnols. Ils protestent contre de pareilles accusations, et identifient leur cause à celle de l’héroïque cité de Vera-Cruz. Mexia se contenta de ces assurances, et repartit bientôt avec ses soldats, emmenant la garnison de la citadelle démantelée de Velasco. Peu de temps après, les colons des environs de Nacogdoches, adoptant à leur tour le rôle de zélés partisans de Santa-Anna, que leurs compatriotes du Brazos avaient joué avec tant de succès, attaquèrent Piedras, sous prétexte qu’il avait refusé de se joindre à l’armée libératrice, comme l’y invitait Mexia, et le forcèrent à évacuer la place. La petite bataille qu’il fallut livrer à ce sujet ne coûta aux Texiens que trois hommes tués et sept blessés, tandis que les Mexicains eurent dix-huit morts et vingt-deux blessés : de sorte qu’à la fin de l’été de 1832, il n’y avait plus un seul soldat mexicain dans la partie du Texas où se trouvaient situées les colonies anglo-américaines.

Je suis assurément bien loin de penser que tout ait été irréprochable dans ces manières d’agir. On trouvera peut-être dans ces déclarations faites au général Mexia, et transmises par lui à Santa-Anna, plus d’adresse que de véritable dignité, et une habileté plus heureuse qu’elle ne serait honorable. Mais je ne juge pas, je raconte. Le flot des révolutions n’est pas toujours très pur. Je ne revendiquerai donc pas pour la révolution du Texas une moralité de détails que présentent trop rarement les grands évènemens de l’histoire.

Pourquoi les Texiens, une fois leur territoire délivré de la présence des troupes mexicaines, n’ont-ils pas dès-lors proclamé leur indépendance ? Je crois que cette modération s’explique par un fait très simple : c’est qu’ils ne se sentaient pas assez forts pour braver sans nécessité la puissance et les ressentimens du Mexique. Je dis sans nécessité, car s’ils avaient obtenu l’avantage auquel se bornaient en ce moment leurs prétentions, de former un état séparé, ils auraient atteint la plupart des résultats qu’ils pouvaient se promettre de l’indépendance, et ne se seraient pas exposés aux dangers d’une lutte dont l’issue pouvait leur paraître douteuse. Quelques esprits sages et patiens auraient même voulu s’en tenir aux avantages réels que le dernier soulèvement avait procurés, et ne pas agiter de si tôt une question qui devait raviver les inquiétudes et les défiances de la nation mexicaine ; mais l’impatience du grand nombre l’emporta sur la prudence du petit, et une convention de tout le peuple texien se