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des évènemens accomplis. Son goût de faveur publique l’entraînait, toutefois sans qu’il méconnût la distance prescrite par l’allure naturelle de son génie. Dans Louis XI, un essai de conciliation était manifestement tenté d’une main habile, mais encore peu ferme. C’était de tout point, comme nécessité subie et comme résultat équilibré, une façon de ministère Martignac dramatique. On ne peut nier un grand art de combinaison dans ce portrait historique, où les moindres accessoires, les plus petits accidens de costume ne sont pas moins étudiés, moins léchés que la figure principale, où les détails les plus familiers sont abordés à côté des développemens les plus sérieux et les plus profonds de caractère. Sans cesse la comédie s’y mêle à la tragédie, le roman y est soudé à l’histoire. M. Casimir Delavigne a tenté par-dessus tout une laborieuse et patiente esquisse du caractère de Louis XI, réalisée au point de vue d’Estienne Pasquier, avec force emprunts à Mercier et à Walter Scott. Mais peut-être ne nous montre-t-il ce roi fin et feint en ses entreprises que sous un jour spécial, qu’en une période trop courte et trop effacée de sa vie. Nous n’apercevons guère que Louis XI malade en son château de Plessis-les-Tours, sans cesse disputant avec son médecin, ainsi que M. Argant dans sa chambre à coucher. Louis XI, ce prince dont le règne eut de si importans résultats, prodigue bien moins ici les actes que les paroles. La seule action qui se rattache aux scènes essentielles du tableau appartient à un autre personnage, celui du duc de Nemours ; encore le fils du malheureux comte d’Armagnac ne semble-t-il apparaître, avec ses projets d’amour et de vengeance, que pour faire poser Louis XI. Plusieurs figures entièrement secondaires, Coictier, Olivier-le-Daim, Tristan même, sont de celles qu’aurait désavouées assurément la dignité compassée du vieux cothurne ; mais, une fois admises, il n’eût point fallu tant les sacrifier au caractère principal ; c’est à peine si l’historien Philippe de Commines est esquissé de profil. Tout cela sent bien un peu le placage et la marqueterie. Quant aux petits tableaux partiels, quant aux scènes d’enluminure intercalées à dessein comme effet de variété et de contraste, telles que la procession des reliques au premier acte, les danses villageoises du troisième, l’épisode un peu risqué des amours du dauphin avec la jeune Marie, le rôle tout entier de saint François de Paul y compris la belle scène de la confession, le romantisme le plus déterminé les revendique pour son compte. L’unité et la simplicité antique n’y auraient que faire en vérité ; l’auteur, cette fois, a résolument brisé ses lisières. Mais du reste, ici comme toujours, M. Casimir Delavigne,