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RÉFLEXIONS POLITIQUES.

sapprouvé l’évacuation d’Ancône, activeraient encore les démarches du cabinet autrichien. Eh bien ! de même que M. de Metternich était revenu sur ses pas lorsqu’une sorte d’approbation tacite de la politique de la France à l’égard de l’Orient lui avait attiré de vives représentations de la part de la Russie, de même il a également fait un pas en arrière quand il a vu quelles perturbations causait déjà en Europe la simple apparence d’une rupture de la France et de l’Angleterre. Depuis vingt-cinq ans que M. de Metternich maintient le statu quo européen pièce à pièce, il ne se lasse pas de ressouder et de relier les parties qui s’en détachent, et on ne peut s’empêcher d’admirer l’habileté avec laquelle il se tient en équilibre sur la ligne étroite qu’il s’est tracée entre la crainte des agrandissemens de la Russie et la terreur que lui inspire l’esprit de la révolution française. Or, la destruction de l’alliance anglo-française remettrait tout en question, l’Europe se verrait forcée de se constituer sur de nouvelles bases pour effacer les traces laissées par cette alliance depuis neuf ans ; et dans ce remaniement, que de chances se présenteraient pour anéantir le statu quo de 1815, modifié, il est vrai, mais insensiblement, mais successivement modifié par les évènemens ! La division de la France et de l’Angleterre, c’est Constantinople ouverte à la Russie, et la conclusion d’un traité entre ces deux dernières puissances, c’est l’anéantissement de l’Autriche en Orient, en même temps que l’extension de l’influence slave dans ses provinces héréditaires. Ces réflexions, un peu tardives il est vrai, ont produit à Vienne l’effet qu’on devait en attendre, et l’accueil fait à un ministère dont le chef s’est montré si vivement attaché à l’alliance anglaise s’en est ressenti.

La Prusse, plus calme, plus prudente encore, quoique plus exposée du côté de la France et du côté de la Russie, la Prusse n’a cessé de désirer, dans l’intérêt de l’Europe et dans le sien, le maintien de notre alliance anglaise. Les communications journalières de M. de Werther avec M. Bresson, ne permettent pas de douter que le cabinet de Berlin n’ait vu dans la formation du ministère du 1er mars une circonstance favorable au resserrement des liens d’amitié de la France et de l’Angleterre, qui s’étaient étrangement relâchés sous l’administration du 12 mai. Que serait, en effet, la Prusse, si, par l’alliance de l’Angleterre et de la Russie, cette dernière puissance se trouvait en possession de la mer de Marmara, et traçait ainsi un cercle autour de l’Europe ? Si l’Autriche est intéressée commercialement comme puissance méridionale, et politiquement, comme puissance du Nord, au maintien de l’empire turc ; si elle figure au premier rang après l’An-