Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
401
POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

mœurs lui ayant procuré, comme partout, des protecteurs et des amis, il fut chargé de la direction de la librairie, et devint, à ce titre, propriétaire et rédacteur en chef d’un journal intitulé : le Télégraphe, qu’il publia d’abord en trois langues, français, allemand et italien, puis en quatre, en y ajoutant le slave vindique. Il y inséra, sur la langue et la littérature du pays, de nombreux articles dont on peut prendre idée par ceux qu’il mit plus tard dans le Journal des Débats[1]. Jean Sbogar, et Smarra, et Mademoiselle de Marsan, furent, dès cette époque, ses secrètes et poétiques conquêtes.

L’arrivée de Fouché comme gouverneur semblait devoir donner à sa fortune une face nouvelle ; la place de secrétaire-général de l’intendance d’Illyrie lui fut proposée ; il négligea ces avantages, et l’occasion rapide ne revint pas. L’abandon des provinces illyriennes le ramena en France, à Paris, ce centre final d’où jusque-là il avait toujours été repoussé. Il entra dans la rédaction des Débats, alors Journal de l’Empire, et que dirigeait encore M. Étienne. On assure que, quand Geoffroy sur les derniers temps fut malade, Nodier le suppléa dans les feuilletons en conservant l’ancienne signature et en imitant sa manière ; si bien que le recueil qu’on fit ensuite de Geoffroy contient plusieurs morceaux de lui. On court risque, avec Nodier, comme avec Diderot, de le retrouver ainsi souvent dans ce que des voisins ont signé ; il faut prendre garde, en retour, de lui trop rapporter bien des écrits plus apparens où on ne le retrouve pas.

Nodier, revenu en France, avait trente ans passés ; il doit être mûr ; le voilà au centre ; une nouvelle vie mieux assise et plus en vue de l’avenir pourrait-elle commencer ? Par malheur, l’atmosphère est bien fiévreuse, et les temps plus que jamais sont dissipans. Je n’essaierai pas de le deviner et de le suivre à travers ces enthousiastes chaleurs de la première et de la seconde restauration. Les Cent-Jours le rejetèrent à douze années en arrière, aux fougues politiques du Consulat ; le 18 mars, il écrivit dans le Journal des Débats une autre Napoléone, une philippique à l’envi de celle que Benjamin-Constant y traçait vers le même moment. Il résista mieux à l’épreuve du lendemain. Non pas tout-à-fait Napoléon, il est vrai, mais Fouché le fit venir, et lui demanda ce qu’il voulait. — « Eh bien ! donnez-moi cinq cents francs,… pour aller à Gand. » Il est l’auteur de la pièce intitulée : Bonaparte au 4 mai, qui parut dans le Nain jaune et dans

  1. Recueillis au tome Ii, page 353 et suiv. de ses Mélanges de Littérature et de Critique, 1820