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LA SICILE.

nête ou un ouvrier en mendiant qui finit par exercer le brigandage sur les routes et dans les gorges des monts. Enfin, il y a les ouvriers ruraux, qui ont établi la résidence de leur famille dans les villes. Ils vont à la campagne le lundi matin, et ne reviennent que le samedi soir dans leur ménage. Ces ouvriers dépensent ainsi dans la ville ce qu’ils gagnent à la campagne, mais ils apportent aussi leur misère dans la cité pendant les temps de chômage. Pour les contadini, ou paysans, on en trouve diverses sortes dans les communes rurales : les surveillans, arpenteurs ou comptables, les laboureurs, les sous-laboureurs, bergers, bouviers ou chevriers, et les garçons de ferme.

Toute cette population agricole vit dans un état voisin de l’indigence, et souvent dans un dénuement complet ; car, aux causes de misère que j’ai énumérées, il faut joindre le manque absolu de circulation dans l’intérieur de l’île, où l’on ne trouve ni routes ni canaux, la cherté de l’administration, le mode de perception des impôts, ainsi que les effets de la loi du 30 novembre 1824, par laquelle les marchandises envoyées de Naples dans les ports de Sicile, et qui, ayant déjà été soumises aux droits de douane dans la partie du royaume des Deux-Siciles située en-deçà du phare, sont tenues d’acquitter une seconde fois le droit, comme si la Sicile n’était pas une partie du royaume napolitain. Il n’est pas, admirez la fatalité ! jusqu’à la présence du corps d’occupation anglais en Sicile qui n’ait contribué à l’état fâcheux où se trouve ce pays aujourd’hui. On sait que, lors du départ de la cour de Naples pour Palerme, le gouvernement anglais expédia trente mille hommes en Sicile, qui y séjournèrent plusieurs années. Cinq millions de livres sterling, sans compter les dépenses personnelles des officiers et des soldats, passaient alors annuellement d’Angleterre en Sicile. Le numéraire y devint donc très abondant ; et, bien que les Anglais fissent venir du dehors même les fourrages de leurs chevaux, les denrées haussèrent bientôt tellement que la salme de blé se payait de 8 à 10 onces. Elle en vaut à peine 2 maintenant, c’est-à-dire que l’hectolitre, qui valait de 36 à 45 francs, en vaut aujourd’hui 9. C’est sur ces bases que le gouvernement, qui fit dresser un cadastre général en 1816, a établi l’impôt foncier. La valeur des céréales en fut la base, et on les frappa d’une taxe qui s’élève avec la surtaxe à 12 1/2 pour 100 ; ce qui, vu la dépréciation actuelle des grains, porte en réalité cet impôt au taux énorme de 62 1/2 p. 100. Les autres taxes, établies sur le prix des denrées pendant l’occupation anglaise, ne sont pas moins hors de proportion avec les ressources du pays. Il faut remarquer en outre que, sur 1,700,000 onces dont se