Femme sensible ! vous avez pensé à lui à tout le moins une fois l’an !
Et je n’ai jamais passé un anniversaire du jour où j’ai appris sa mort sans faire dire une messe pour le repos de son ame.
Bonne tante ! cela fait cinq messes ! Et Julie, combien de pensées a-t-elle eues pour lui ? combien de messes a-t-elle fait dire ?
Julie ?… Elle a donné le jour à cinq enfans.
C’est beaucoup trop ! (Prenant du tabac.) Heureusement il y en a quatre de morts !
Pauvres enfans ! Tenez, duc, Julie est un modèle d’amour conjugal ; mais il semble que cela l’ait empêchée de bien connaître l’amour maternel. Moi, je pleure encore mon neveu…
Quand vous y pensez ?
Et elle, il semble qu’elle ait oublié les siens comme s’ils n’avaient jamais existé. Vraiment elle n’aime au monde que M. Bourset.
Ah ! c’est bien naturel !
N’en riez pas, c’est incroyable comme cet homme-là s’est décrassé depuis son mariage.
Je crois bien, il a usé beaucoup de savon !
De savonnette à vilain, vous voulez dire ? car le voilà comte décidément. Samuel Bourset, comte de Puymonfort ! Quel drôle de temps que celui-ci ! Enfin c’est un homme qui a du savoir-faire que mon gendre, n’en dites pas de mal !
Je n’en dis pas de mal, chère marquise ; c’est un homme habile et probe en même temps. Sa réputation est bien établie, et votre fille a fait sagement de l’épouser, quoiqu’il ne soit pas aimable.
Oh ! c’est que Julie est sage, trop sage peut-être !
Plus sage que vous ne l’étiez à son âge, mon cœur !