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débiteur au profit du 3 1/2. C’était pourtant la moindre des faveurs ménagées à ce dernier fonds. Constitué par la conversion au-dessous du pair, il devait profiter seul sans doute des sommes destinées à éteindre les rentes qu’il remplaçait. La dotation affectée au rachat du 5 atteindra bientôt le chiffre de 55 millions. Laissons jouer cet amortissement pendant dix années, terme de la trève accordée aux rentiers.

55 millions, rachetant à intérêt composé du 3 1/2 au taux moyen de 98, saisiraient en dix ans un peu plus de 23 millions de rentes.

Pendant ces dix ans, la dotation et les intérêts confondus eussent formé une somme ronde de 647,358,000 fr., c’est-à-dire une moyenne de 64,735,000 fr. employés annuellement en acquisitions ; et comme l’état devait racheter 98 fr. ce qu’il vendait 86 fr. 42 c., il en eût résulté pour lui une perte annuelle d’environ 7,640,000 francs. Dans le système de la conversion avec accroissement de capital, cette perte volontaire n’est pas autre chose qu’une prime accordée aux banquiers pour prix de leur coopération.

Qu’on ne vienne pas dire que tout porteur de rentes est appelé au partage de cette prime. Le bénéfice n’existe que pour les habiles qui savent remuer à propos leur capital, et non pas pour les innocens qui n’aspirent qu’à vivre du produit. Qu’un rentier forcé de vendre participe au bénéfice de la hausse, ce ne sera jamais qu’un fait exceptionnel. Cela est si vrai, que si la majorité des créanciers de l’état se laissaient prendre aux amorces de la spéculation, et venaient présenter leur inscription sur la place, la rente retomberait lourdement et creuserait un abîme assez large pour engloutir les agioteurs eux-mêmes. La rente dans les mains des banquiers n’est qu’une marchandise achetée pour être vendue, et le prix de cette marchandise se règle d’après la loi commune, par la proportion de l’offre et de la demande. Ainsi, quand la commission de la chambre accordait au rentier les bénéfices d’un accroissement de capital, c’était à condition qu’il ne lui prendrait jamais fantaisie d’en profiter. On étalait un trésor devant lui, et il pouvait se donner le plaisir de le caresser des yeux ; mais qu’il étendît la main pour le saisir, et tout s’évanouissait en fumée !

En définitive, de belles chances de gain étaient offertes aux spéculateurs. La moyenne des ventes réelles opérées chaque année en 5 pour 100 a été évaluée à plus de 30 millions de rentes. Que le nouveau fonds eût donné lieu à une même somme d’affaires, en obéissant à sa tendance naturelle à la hausse dans la limite de 87 à 98, et il en eût résulté pour les revendeurs des profits qui eussent fait reluire des millions à leurs yeux. Peut-être même que ceux qui ont poussé à la conversion, sous prétexte qu’un intérêt de 5 pour 100 est exagéré, auraient trouvé moyen de placer à 10.

Il eût fallu déduire des bénéfices obtenus par l’état la perte présumée de l’amortissement, ce qui eût fait descendre l’économie annuelle à moins de 9 millions.

Quant au compte des rentiers, il était net et clair : perte de 16 millions par année.

Au bout de dix ans, les créanciers de l’état auraient subi un déficit de