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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/513

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AVENIR DE NOTRE MARINE.

l’industrie étendent leur réseau sur le globe et rendent les ruptures plus difficiles en les rendant plus douloureuses. L’esprit de conquête semble s’être retiré des mœurs des peuples et des conseils des souverains. On commence à entrevoir que la fortune d’un état ne correspond pas toujours à l’étendue de son territoire, et qu’un développement exagéré s’expie par de cruelles représailles. Peu à peu les dissidences s’effacent, les préjugés capitulent, les barrières s’abaissent. On se fie moins à la force et davantage à la modération. On ne veut ni du rôle d’opprimé, ni de celui d’oppresseur ; on place quelque grandeur dans la justice, quelque gloire dans le respect de toutes les situations légitimes ; on ne se joue plus légèrement du sang et de la fortune des hommes. Ce sont là de bons instincts, d’heureuses tendances, et il faut croire à leur énergie et à leur durée, puisqu’ils résistent avec succès à tous les embarras du moment.

Quelle guerre pourrait-on faire aujourd’hui ? Une guerre de rivalité nationale ? On sait ce qu’elles coûtent et ce qu’elles rapportent. Demandez à l’Angleterre si elle voudrait, au même prix, recommencer ses victoires de 1814 et de 1815. Une guerre d’équilibre européen ? Mais quelle est la prétention, quelle est l’ambition qui ne reculerait pas devant l’embrasement de l’Europe, et quelqu’un est-il vraiment de taille à reprendre l’œuvre avortée de Napoléon ? Une guerre de principes, une croisade, soit au nom de la liberté, soit au nom du despotisme ? Le temps en est passé. Personne ne songe plus à faire faire aux institutions leur chemin par la violence, et à mettre les baïonnettes au service des doctrines. Enfin, une guerre d’intérêts ? Dans l’état des rapports commerciaux, c’est l’incident le plus à craindre, celui qui se reproduira le plus fréquemment. Mais, pour un différend où l’honneur n’est point engagé, une transaction est toujours facile. Entre les diverses solutions, il n’en est pas de plus coûteuse qu’un appel aux armes, et avant de poursuivre une réparation partielle, on calculera nécessairement si elle ne doit pas compromettre d’une manière trop sérieuse les intérêts généraux. C’est une affaire de prévoyance et de discussion. Or, est-il une guerre qui puisse résister dès qu’on la discute ? Il n’en est qu’une seule, c’est celle de la civilisation contre la barbarie. Celle-là peut se poursuivre et s’avouer.

De cette disposition plus calme et moins inquiète des esprits, il ne faudrait pas tirer cette conclusion, que la conscience de leur dignité sommeille chez les peuples. Non, bien loin de là. Une offense réelle les trouverait debout, et l’élan serait d’autant plus vif que la cause en serait plus profonde. Une nation qui aime la paix et qui la veut doit