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REVUE. — CHRONIQUE.

quence des répulsions que le parti conservateur a témoignées au ministère. Il faut se rappeler une vérité banale, c’est que toute cause active et permanente produit nécessairement ses effets. Nous ne savons si les conservateurs s’en effraient ou s’en réjouissent ; mais nous savons que, dans tous les cas, c’est sur eux que doit peser la responsabilité des résultats.

Pour justifier leur résistance à la conciliation, à la transaction hautement proclamée par le ministère, il faudrait prouver, ou que toute transaction est impossible, ou que le ministère a déjà montré par ses actes qu’elle n’est qu’un leurre, que le cabinet est dominé par un parti, qu’il ne songe qu’à satisfaire les prétentions, qu’à réaliser les utopies de la gauche.

Que toute transaction soit impossible, quelques personnes l’ont affirmé : nul ne l’a démontré. Nous l’avons déjà dit, et il importe de le répéter, dans les temps de révolution, nul ne peut se flatter, à quelque parti qu’il ait appartenu, de n’avoir jamais franchi d’une ligne la juste mesure, de ne s’être jamais écarté de cette modération qui distingue dans les temps ordinaires tous les hommes sensés, tous les esprits vraiment politiques. Sans doute les hommes d’opposition, dans ces temps de crise, s’emportent et s’exaltent bien plus que les hommes de la résistance. Cela a été vrai surtout dans la dernière révolution : le parti conservateur, bien que vivement appuyé, disons même excité par la majorité du pays, a eu la gloire, et M. le président du conseil a le droit d’en réclamer sa part, de maintenir la révolution dans ses justes limites sans porter à nos libertés de rudes atteintes, sans demander à la justice sociale de sanglantes répressions. Mais, par cela même, il eût été à la fois naturel et facile de tendre, au retour du calme, sur le terrain de la charte et de la légalité, la main à la gauche constitutionnelle, qui se rapprochait du gouvernement, qui en comprenait les conditions et les nécessités, et qui se personnifiait dans un homme d’un caractère élevé, d’un esprit grave et sérieux.

Que pouvait-on craindre ? Des prétentions excessives ? Mais nous n’avons jamais dit au parti conservateur de se désorganiser, de se dissoudre, de se livrer avec une confiance aveugle, implicite. Il est des élans et des délicatesses qui font le charme de la vie privée, mais qui ne seraient qu’aveuglement et niaiserie entre des partis politiques. En politique, on se rapproche en se tenant sur ses gardes ; on se fait des concessions, on ne se livre pas ; on marche de concert, mais seulement jusqu’aux limites qu’un parti ne peut franchir sans renoncer à ses principes, à sa dignité, à son honneur. Il y a paix, harmonie, tant que tous consentent à rester sur le terrain commun ; le jour où l’un ou l’autre voudrait en sortir, soit en reculant, soit en se portant trop en avant, ce jour-là le pacte est rompu, loyalement rompu, et chaque parti rentre dans sa sphère particulière d’activité. En Angleterre, les radicaux, les whigs, les Irlandais ne se sont pas mêlés et confondus dans un seul et même parti. Chaque parti conserve son individualité ; mais plusieurs partis agissent de concert dans un but commun. Ce concert cessera peut-être un jour. Qui ne connaît les vicissitudes de la politique ? En attendant, il existe et il ne déshonore per-