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MARIE D’ÉNAMBUC.

DERNIÈRE PARTIE.[1]

III.

Le soleil venait de disparaître derrière une barre de nuages noirs et déchirés, dont les fantastiques découpures s’allongeaient comme des ombres de géans dans l’azur assombri du ciel. La limite extrême de l’horizon était marquée par une ligne d’un rouge enflammé, présage certain d’un ouragan. Bien que l’air fût très calme, la mer brisait avec violence contre les murailles du fort Saint-Pierre ; on eût dit que quelque tempête sous-marine grondait dans les abîmes et soulevait les flots. La plage était déserte, on n’entendait plus le chant monotone des esclaves employés aux travaux de la rade, ni la voix rauque des matelots, ni les cris joyeux des enfans qui, lorsque le temps était beau, venaient nager le soir dans les eaux tièdes et profondes, sans souci des requins dont les bandes voraces s’approchent parfois de ces parages. Quelques lumières brillaient au loin le long de la côte, semblables à des étoiles rouges au-dessus desquelles se

  1. Voyez la livraison du 15 mai.