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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Il existe dans la ville d’Aversa, à sept milles de Naples (c’est précisément la patrie du héros des atellanes), un établissement fondé en 1813, et qui a acquis une grande célébrité dans toute l’Europe : c’est la maison des fous. Cette maison, citée long-temps comme modèle, ne méritait guère sa réputation, et même, à en croire de courageux dénonciateurs, c’était un enfer. D’abord les insensés, qui ailleurs forment différentes catégories, étaient confondus, et les pacifiques condamnés à vivre avec les furieux, le directeur prétendant les soumettre de cette façon à une sorte d’enseignement ou plutôt de cure mutuelle. La force et la rigueur étaient les seuls moyens curatifs appliqués avec suite. Le fou qui désobéissait était puni de la prison ; celui qui se fâchait était battu ; le battu qui entrait en fureur et se révoltait était revêtu de la camisole de force, ou bien on le plaçait horizontalement dans une caisse en forme de cercueil qui laissait seulement sortir la tête, ou bien encore on l’assujétissait verticalement à l’aide d’un corset de fer scellé au mur, de gants de cuir dur qui empêchaient la flexion des doigts, et de planches qui serraient les pieds. Si, lorsque le malade était resté plusieurs heures dans cette cruelle position, l’accès continuait, on le garrottait, et on le jetait à un troisième étage sous les plombs. Là, ces malheureux étaient confiés à la garde d’un aliéné, vivant comme des porcs sur leur fumier, rongés de gale et de vermine, en proie à toutes les tortures de la soif et de la faim. Il fallait que ces souffrances fussent affreuses, car on a vu ces malheureux chercher à s’entre-dévorer, et, puisqu’il faut tout dire, se jeter avec avidité sur les excrémens de leurs compagnons et s’en nourrir. À la férocité du traitement joignez l’abominable malpropreté des chambres, la pourriture des lits, l’affreuse saleté des pensionnaires, de toute espèce ; ajoutez à cela l’absence de tout traitement rationnel, le manque d’observations régulières sur les résultats obtenus et le traitement appliqué à chacun des malades ; réunissez, en un mot, tout ce qui dénonce le plus profond mépris de l’humanité, et vous aurez le tableau du fameux hospice d’Aversa, tel que des médecins philosophes et des observateurs dignes de foi nous l’ont présenté[1].

Le charlatanisme avait fait la réputation de cette maison, le mensonge la soutenait. Si par hasard un étranger ou un inspecteur survenait sans qu’on fût prévenu, chacun des employés de l’établissement, à commencer par le portier, savait son rôle, et la comédie commençait. Le portier allait chercher le démonstrateur, qui se faisait

  1. MM. Ramolini, Gualandi, Louis Frank, etc., etc.