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pas autant des drames fantastiques qui composent le répertoire de ces spectacles populaires ; ces pièces sont remplies de coups de théâtre extravagans, d’aventures merveilleuses, de métamorphoses inexplicables, enfin de toute la fantaisie grotesque qui remplit le Pentameron de Basile et les poèmes de Cortese, et que ceux-ci avaient empruntée aux contes arabes. Les personnages paraissent, se transforment et s’évanouissent sans qu’on sache pourquoi ni comment. Nos mélodrames à grand spectacle, comme le Pied de Mouton ou les Danaïdes, peuvent seuls donner une idée de ces drames bizarres ; encore ces mélodrames seraient-ils des chefs-d’œuvre auprès de ces ébauches informes. L’échelle est aussi bien autrement grandiose sur nos boulevarts, la mise en scène et les moyens d’exécution sont bien supérieurs. Ici, tout ce qui est costume, décoration, machine ou coup de théâtre rappelle encore l’enfance de l’art. Les nobles paladins, habillés de carton peint en bleu pour figurer une armure, dépassent de toute la tête les tours de la ville qu’ils assiégent ; leur suite se compose d’un page débraillé, et leur armée de trois soldats, de sorte que, pour peu que l’affaire ait été chaude et que les deux tiers des combattans soient restés sur le champ de bataille, le reste de l’armée se trouve dans l’impossibilité matérielle de serrer les rangs.

Il y aurait mauvaise grace à reprocher ces pauvretés à l’impresario de San-Carlino, lorsqu’on voit où en sont arrivés les grands théâtres de Naples sous le rapport de l’exécution matérielle et du spectacle ; nous ne faisons pas même d’exception pour San-Carlo, qui fut longtemps le théâtre modèle. La mise en scène y est pitoyable, et nos théâtres du boulevart ne voudraient pas de ces misérables toiles, grotesquement badigeonnées, où toutes les règles de l’art, la perspective exceptée, sont mises en oubli. Cette même remarque s’appliquerait, à juste titre, à tous les principaux théâtres de l’Italie. Sanquirico, si vanté, n’a pas laissé d’élèves, et nous doutons fort que Vigano ait jamais fait école, car les ballets peuvent marcher de pair avec les décorations.

Mais revenons au théâtre San-Carlino, et convenons, pour être juste, qu’il y aurait bien quelques paillettes brillantes à extraire de ce grossier minerai. L’action des comédies ou farces populaires est toujours gaie. Il n’y a là rien de bien élégant, mais il n’y a non plus rien de niais. Le dialogue est vif, coloré même ; malheureusement le dialecte napolitain en rend le plus souvent les finesses incompréhensibles à tous ceux qui ne sont pas du pays. Dans quelques-unes de ces pièces, l’intérêt est assez habilement ménagé, et le spectateur,