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de ses compagnons qu’il faut satisfaire, il lui laisserait volontiers son sac d’argent et lui ravirait autre chose que des écus. Mais son plan de campagne est arrêté. — Prenons le sac d’abord, s’est-il dit, et puis après nous verrons.

Pulcinella est monté avec la meunière ; mais, tandis qu’il fouille dans l’armoire, celle-ci s’esquive lestement et ferme la porte à double tour. Les fenêtres sont garnies de barreaux de fer, la porte a un demi-pied d’épaisseur ; Pulcinella est pris au piége comme un étourneau. La meunière ne perd pas de temps, elle appelle son enfant : — Cours à Nicastro, lui dit-elle, et va chercher ton père et les carabiniers ; cours vite, dis-lui qu’il y a un brigand dans la maison. — L’enfant part, mais le compagnon de Pulcinella, qui entend les cris de son chef, lui barre le passage et l’arrête. La meunière ne perd cependant pas courage, elle verrouille les portes et barricade les fenêtres. Sa situation est des plus critiques. Elle entend Pulcinella qui, à l’aide d’un marteau, commence à démolir le parquet sur sa tête ; elle voit son enfant que l’autre brigand menace de mort si elle n’ouvre pas. Elle appelle à grands cris, personne ne peut l’entendre et personne ne répond. Le couteau est toujours levé sur la tête de son enfant, et Pulcinella aura tout à l’heure fait son trou. Elle implore la pitié des deux bandits, mais ces gens-là sont sans entrailles. Cependant le brigand du dehors garrotte l’enfant et le jette dans un coin ; rôdant ensuite autour de la maison, comme un loup autour de la bergerie, il cherche quelque porte ou quelque fente par laquelle il puisse y pénétrer et délivrer son chef. Tout à coup l’idée lui vient de se glisser par la roue du moulin et par l’ouverture de l’arbre tournant ; mais, dans ce moment, la meunière a, de son côté, la pensée de mettre cette roue en mouvement. C’est le dimanche, et son mari, entendant le bruit inaccoutumé, aura hâte de revenir. Le brigand vient de se glisser à moitié dans l’intervalle laissé entre le mur et l’arbre tournant, lorsque la meunière détache la cheville qui retient les engrenages ; la roue se met en mouvement, et avant qu’elle ait fait deux tours, le bandit est broyé comme sous le pilon d’un mortier. Pendant ce temps, Pulcinella a achevé son trou, et il va se précipiter dans la chambre, quand le mari de la meunière arrive avec un détachement de carabiniers qui est sur la piste du chef de brigands. Pulcinella ne perd pas courage. Comme ceux-ci montent l’escalier qui conduit à la chambre où il est renfermé, précédés du meunier et de sa femme, il saute par le trou du plafond, s’échappe par un autre escalier et grimpe sur le toit de la maison.