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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

tour un lord anglais, un officier français ; mais, bientôt convaincu d’imposture et serré de près, il joue du bâton, s’enfuit à travers les ruines, et disparaît tout à coup au moment où on croyait le tenir. On le trouve, à la fin, dans une des caves nouvellement découvertes, couché sur un tas d’amphores vides, en compagnie… de la fille du custode. Tout s’arrange, et la pièce se termine par un mariage qui paraît fort nécessaire.

Disons à ce propos qu’à San-Carlino et en général sur tous les petits théâtres napolitains, les femmes apportent dans l’exécution de leurs rôles une extrême licence. Quelque aguerri que soit l’étranger, il conviendra que la censure permet beaucoup à ces dames, et que dans leurs discours, leurs gestes et même dans leurs sourires règne une étrange liberté. Nos bourgeoises des Variétés ou nos duchesses du Palais-Royal sont d’une pruderie sauvage à côté des grandes dames ou des joyeuses commères de San-Carlino. Elles ignorent les précautions oratoires : elles disent franchement, lestement ce qu’elles pensent et ce qu’elles sentent, et le geste chez elles est toujours d’accord avec la parole. Ces dames sont toujours disposées à céder ; elles provoquent en résistant, consentent en refusant, et l’on voit qu’elles ont du bonheur à être faibles. C’est la vérité nue et prise sur le fait, car les choses ne se passent pas autrement dans la rue que sur le théâtre. L’art en cela ne fait que copier la nature. Ne s’agit-il pas en effet de retracer les mœurs des habitantes de ces rivages, funestes de tous temps à la vertu des jeunes filles ?

Littora quæ fuerant castis inimica puellis.

Nous avons dit quelles étaient, avec le climat, les causes de ce singulier relâchement des mœurs des femmes napolitaines ; ces causes ne subsistent peut-être plus, mais l’influence s’en fait encore sentir sur la moitié de la nation.

Le fonds du répertoire des petits théâtres se compose donc de ces parades mêlées de chant, dans lesquelles l’auteur fait assez bon marché de la morale. Les personnages qui figurent dans ces pièces, tout-à-fait nationales, sont, outre le Polichinelle et le Scaramouche, le Paysan, la Romaine, le Soldat. La Romaine est une maîtresse femme ; elle connaît toutes les ruses du métier et n’est rien moins qu’un dragon de vertu. Est-ce par pruderie patriotique, par ménagement pour les faiblesses de leurs aimables compatriotes, que les poètes du pays ne l’ont pas nommée la Napolitaine ? Nous ne le croyons pas, car,