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REVUE DES DEUX MONDES.

C’est au moment où s’écroulaient les mystiques croyances du moyen-âge, au fort de la lutte du sensualisme moderne contre le mystérieux spiritualisme des siècles précédens, que leur physionomie actuelle s’est dessinée, que leur caractère se montra dans toute sa naïveté ; comme Falstaff en Angleterre et Panurge en France, ils sont l’expression quelque peu grossière du sensualisme triomphant.

Tous ces types populaires de l’Europe se ressemblent donc. Nés à diverses époques, ils adoptent tous, vers le même temps, la même philosophie positive et égoïste. L’exaltation religieuse, la poésie, le platonisme de l’amour, la haute ambition, le courage, le dévouement, la vertu, leur sont inconnus. Ils n’aspirent qu’aux prosaïques jouissances de la matière. Bien vivre, aimer sensuellement, soigner son corps, acquérir à tout prix, se tirer d’affaire en risquant le moins possible, et se moquer un peu de tout sans trop se compromettre, telles sont leurs communes règles de conduite. Personnifications bouffonnes du peuple italien tel qu’il est aujourd’hui avec un souvenir lointain et goguenardement exprimé de ce qu’il a été autrefois, ces types, convenons-en, ne nous sont pas non plus absolument étrangers ; ils nous font merveilleusement connaître le noble idéal que se proposent nos sociétés matérialistes, le but vers lequel nous tendons.


Frédéric Mercey.