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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

avait attaché la qualité d’état d’empire, non plus aux personnes, comme dans les temps anciens, mais aux seigneuries[1]. Les choses avaient été ainsi réglées pour que l’extinction des familles princières ne diminuât pas le nombre des votans, et ne donnât pas aux empereurs la facilité de faire une majorité à leur dévotion, en élevant un grand nombre de leurs créatures à la dignité d’états d’empire. Cette dignité était, du reste, fort difficile à acquérir, parce qu’on ne pouvait obtenir voix et séance à la diète qu’avec son consentement exprès, et, dans le cours des deux derniers siècles, elle n’avait été conférée qu’un petit nombre de fois. Parmi les princes non électeurs, les plus puissans étaient les landgraves de Hesse-Cassel et de Hesse-Darmstadt, le margrave de Bade, les ducs de Wurtemberg et de Mecklembourg, l’archevêque de Salzbourg, les évêques de Munster, de Bamberg et de Wurzbourg. Le roi de Danemark et le roi de Suède avaient chacun une voix dans le collége des princes, l’un pour le Holstein, l’autre pour la Poméranie antérieure.

Le troisième collége de la diète était celui des villes impériales : elles étaient au nombre de cinquante-une et formaient deux bancs, celui des villes du Rhin et celui des villes de Souabe. Les formes de la délibération semblaient placer le collége des villes dans un rang inférieur à celui des deux autres colléges : toutefois le traité d’Osnabruck leur avait accordé voix décisive aux diètes, et leur concours était nécessaire pour un placitum d’empire.

La diète, composée des élémens que nous venons d’énumérer, siégeait à Ratisbonne. Devenue permanente depuis 1663, elle ne ressemblait guère à ces diètes orageuses du moyen-âge et du XVIe siècle, où les empereurs et leurs puissans feudataires venaient en personne débattre leurs intérêts et vider leurs différends. Ni le chef de l’empire, ni aucun des princes, si petit qu’il fût, ne se montrait plus à la pacifique assemblée, et leurs délégués seuls y paraissaient. Le cérémonial, les querelles de préséance, mille formalités minutieuses, prenaient le meilleur du temps de la diète, et les affaires s’y traitaient avec une lenteur devenue proverbiale. Il est vrai qu’on ne lui demandait guère son concours quand il s’agissait de choses vraiment impor-

  1. L’année 1582 avait été prise pour année normale, et il avait été convenu que tous les fiefs dont les titulaires avaient eu voix et séance à la diète de cette année, conféreraient à leurs possesseurs la qualité d’états d’empire, de telle manière que celui qui par héritage ou autrement acquerrait plusieurs de ces fiefs multiplierait par là le nombre de ses voix à la diète. Multiplicatis territoriis vota multiplicantur, était devenu un axiome du droit public allemand.