Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/937

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
933
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

nemens ; mais, avant même que la nouvelle en fût arrivée à Paris, l’assemblée législative avait provoqué une révolution ministérielle qui rendait inévitable une rupture prochaine. Delessart, ministre des affaires étrangères, fut mis en accusation comme ayant trahi l’honneur et les intérêts de la France, et remplacé par Dumouriez. Cet homme habile et ambitieux, porté au pouvoir par le parti exalté, présenta au cabinet de Vienne des demandes qu’il savait être inadmissibles, et que le jeune successeur de Léopold repoussa avec colère. Louis XVI fut alors forcé par son conseil de proposer la déclaration de guerre au roi de Hongrie et de Bohême[1], qui fut décrétée à la presque unanimité par l’assemblée législative (20 avril 1792). Ainsi fut donné le signal de ce combat terrible qui devait, pendant près d’un quart de siècle, ensanglanter successivement toutes les parties du continent européen et dans lequel allait périr jusqu’au nom du vieil empire germanique.

Il n’entre pas dans notre plan de raconter en détail des guerres dont le récit se trouve partout : nous n’en mentionnerons les faits principaux que pour faire comprendre la politique suivie par les puissances coalisées contre la France et les phases diverses de cette politique. Nous aurons à nous occuper plus spécialement de celle des cours allemandes. Nous verrons comment la division profonde établie par la constitution même de l’empire entre les membres du corps germanique, porta ses fruits au moment du danger, comment elle empêcha entre eux toute union sérieuse, et comment elle finit par amener la destruction complète de l’ancien ordre de choses.

Quant à la politique de la France, les bases en avaient été posées dès 1792 par Dumouriez dans son rapport au comité diplomatique de l’assemblée législative. Il avait fort bien vu qu’il existait en Allemagne trois intérêts distincts : celui du corps germanique proprement dit, celui du roi de Prusse et celui de la maison d’Autriche. Or, selon lui, le corps germanique n’avait rien à gagner dans une guerre, qui, en supposant qu’elle fût heureuse, ne pouvait profiter qu’aux grands états ; l’alliance du roi de Prusse avec l’empereur était trop contraire aux antécédens et aux intérêts du cabinet de Berlin pour pouvoir être de longue durée ; enfin l’Autriche, livrée à elle-même, avait trop d’embarras de toute espèce, pour pouvoir tenir tête à la France. Il résultait de là qu’il fallait travailler à isoler cette puissance, d’une part en faisant des traités particuliers avec les membres du corps

  1. François II n’était pas encore élu empereur.