Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/953

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
949
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

pire. On aurait pu, à la vérité, maintenir la vaine apparence d’une constitution sans vie réelle ; mais il était plus conforme à leur dignité et à la pureté de leurs intentions de déclarer ouvertement leur résolution et les motifs qui les y décidaient. » Tout cela était vrai, il faut en convenir : la paix de Bâle avait commencé la dissolution de l’empire ; celle de Lunéville et celle de Presbourg l’avaient achevée ; il n’y avait plus de raison pour conserver un nom et des formes qui n’étaient désormais qu’un mensonge sans utilité. Aussitôt que l’empereur François II eut connaissance de ce qui s’était passé à Ratisbonne, il déclara à son tour que les conséquences qu’on avait tirées de plusieurs articles du traité de Presbourg l’avaient déjà convaincu de l’impossibilité où il se trouvait désormais de remplir les devoirs attachés à la dignité impériale, et que la formation de la nouvelle confédération rendait cette conviction encore plus complète ; elle le conduisait à considérer comme rompu le lien qui l’avait uni au corps germanique ; il déposait la couronne d’empereur d’Allemagne, déliait les électeurs, princes et états, du serment qu’ils lui avaient prêté, et réunissait ses provinces allemandes à ses autres possessions pour les gouverner toutes ensemble en qualité d’empereur d’Autriche[1].

Ainsi finit le saint-empire romain, un peu plus de mille ans après sa fondation par Charlemagne.

Nous avons vu que l’acte constitutif de la confédération du Rhin médiatisait une foule de petits princes et seigneurs, c’est-à-dire leur enlevait l’indépendance et les droits de souveraineté dont ils avaient joui jusqu’alors, pour arrondir à leurs dépens le territoire des membres de la confédération. La médiatisation était le complément de la sécularisation opérée à la suite du traité de Lunéville : elle détruisait l’existence politique de la noblesse d’empire, comme la sécularisation avait détruit celle du clergé catholique. Du reste, cette nouvelle mesure, loin de se faire au profit des libertés populaires, n’eut d’autre résultat que d’augmenter le pouvoir des souverains. Napoléon voulait que l’autorité de ses alliés ne fût limitée que par la sienne propre, et, on le sait assez, ce n’était pas à l’héritier couronné de la révolution française que les peuples devaient demander des droits politiques et des garanties constitutionnelles. Il ne tarda pas à dévoiler toute sa pensée à cet égard dans un écrit adressé au prince primat[2], où il disait entre autres choses que les affaires intérieures des divers états

  1. Dès 1804, il avait ajouté ce titre à celui d’empereur d’Allemagne.
  2. Le 11 septembre 1806.