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quels la médecine confesse devoir ses plus grands progrès, je ne trouvai que confusion ; tout n’était pour ainsi dire que conjectures. »

Il se livra dès-lors à l’examen le plus attentif de ces maladies peu connues. Transporté tantôt en Hollande, tantôt en Autriche, tantôt en Italie, passant des brumes du nord sous les chaleurs du midi, il observa les effets de ces divers climats sur des hommes de toutes les constitutions introduits dans les ambulances ou les hôpitaux, et il suivit leurs maladies depuis le début jusqu’au terme, les rapportant à leurs causes, décrivant leurs rechutes et en complétant l’histoire par des autopsies exactes et concluantes. C’est ainsi qu’en trois ans il amassa un trésor de faits inconnus et de vues originales sur les grands troubles de l’appareil respiratoire et de l’appareil digestif ; il obtint un congé en 1808 et vint à Paris publier ses recherches sous le titre d’Histoire des phlegmasies ou inflammations chroniques.

Cet ouvrage impérissable perpétuera la gloire de M. Broussais aussi long-temps que la saine observation et la vraie science seront en honneur. M. Broussais y annonça que la plupart des maladies chroniques étaient le résultat d’une inflammation aiguë mal guérie. L’inflammation devint pour lui le point de départ de la maladie. Il décrivit savamment la marche de cette stimulation excessive, qui appelait le sang en trop grande abondance dans les organes atteints, y changeait les conditions de la vie, et, après avoir introduit et entretenu le trouble dans leurs fonctions, désorganisait leur tissu même et produisait la mort. Il montra, contre le système de Brown, que la faiblesse générale se combinait souvent dans les phlegmasies chroniques avec une excitation locale, et qu’il fallait alors hardiment attaquer celle-ci sans se laisser préoccuper par la crainte de celle-là, qui n’était qu’apparente.

Ses travaux sur les inflammations du poumon furent très remarquables. Il s’attacha à établir que les maladies des diverses parties de cet appareil se liaient entre elles, se transformaient à chaque instant les unes dans les autres, produisaient en dernier résultat des tubercules, et, en devenant chroniques, aboutissaient toutes à la phthisie. Mais ses recherches sur les inflammations gastro-intestinales furent beaucoup plus originales et le conduisirent à de précieuses découvertes. Il porta la lumière sur cet obscur et délicat appareil par lequel s’opère la réparation des forces, s’élaborent les élémens matériels de la vie, et dont les désordres avaient été jusque-là incomplètement observés. M. Broussais fit voir qu’il était le siége de beaucoup de maladies dont on plaçait le théâtre ailleurs, ou que l’on considérait