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Moïse, est placée une autre terre renfermant le paradis, et que les hommes ont habitée jusqu’à l’époque du déluge[1]. » Hérodote, fidèle interprète de la science et des préjugés de son temps, pose en principe que les extrémités du monde ont obtenu dans le partage des biens de la terre les plus belles productions. Cette opinion, comme le fait remarquer M. de Humboldt, n’exprimait pas uniquement l’idée mélancolique et naturelle à l’homme que le bonheur est loin de nous ; elle se fondait aussi sur l’éloignement des lieux d’où les Hellènes recevaient l’électrum et l’étain, l’or et les aromates. Là, selon les premiers historiens, et selon Ptolémée, la Chersonnèse d’or développait ses rivages allongés ; là était l’Ophir de Salomon. La croyance que l’extrême Orient est un dorado se retrouve chez les nations sémitiques. Les géographes arabes Édrisi et Bakoui indiquent, aux limites orientales du monde connu, l’île aux sables d’argent, Sahabet, et les îles aurifères Ouac-Ouac et Saïla, dont les chiens et les singes portent, disent-ils, des colliers d’or.


III. — LE DÉSIR D’ATTEINDRE L’EXTRÉMITÉ DE L’ORIENT A ÉTÉ LA CAUSE DE LA DÉCOUVERTE DE L’AMÉRIQUE. — CHRISTOPHE COLOMB.

La passion des Occidentaux pour la richesse ou pour la domination politique et religieuse, qui les précipitait vers les terres d’Orient, sanctionnant ainsi un mystérieux décret de la Providence, a produit les plus grands évènemens sur l’espace que notre civilisation occupe ; car où en serions-nous sans l’expédition d’Alexandre et sans les croisades par exemple ?

C’est pareillement au désir d’atteindre l’Orient qu’est dû un fait qui a changé la face du monde, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. L’historiographe du grand navigateur, M. Irving, et plus encore l’homme à qui l’on doit pour ainsi dire une seconde découverte du nouveau continent, M. de Humboldt[2], puisant l’un et

  1. Christianorum opinio de Mundo (ou topographie chrétienne), ouvrage attribué à un marchand d’Alexandrie, Cosmas, qui se fit moine sous l’empereur Justinien.
  2. Voyez l’Histoire de la Géographie du nouveau continent. C’est dans ce livre que nous avons puisé la plupart des faits consignés ici au sujet de Colomb. Nous lui avons même fait quelques emprunts tout littéraires. Ce n’est pas notre faute si M. de Humboldt écrit le français aussi purement et avec autant d’aisance que si c’était sa langue naturelle ; ne pouvant dire autrement aussi bien, nous lui avons, en désespoir de cause, dérobé quelquefois ses propres expressions.