Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
REVUE. — CHRONIQUE.

de toute résolution législative. Il ne s’est pas trouvé dans la chambre, dans aucune des nuances politiques qui s’y dessinent, un membre qui ait pu imaginer de s’opposer à cette grande mesure. C’est qu’il y avait au fond de ce vote une question de puissance et d’avenir pour le pays. C’est qu’en établissant sur une grande échelle des relations régulières avec le Nouveau-Monde, au moyen de la vapeur, la France prouvait qu’elle aussi voulait être une puissance maritime et commerciale de premier ordre, convaincue que dorénavant, à mesure que les communications maritimes rapprocheront d’une manière de plus en plus prodigieuse les diverses parties du globe, toute nation qui ne pourrait pas partager l’empire des mers et participer par les richesses de son sol et les produits de son industrie au développement de l’échange international, tomberait infailliblement au second rang.

Aujourd’hui, l’impulsion est donnée sur tous les points, dans nos ports comme dans nos ateliers, pour notre commerce intérieur comme pour nos relations étrangères. Tandis que dans nos chantiers se préparent à la hâte ces vaisseaux que la vapeur transportera rapidement aux parages transatlantiques, nos chemins de fer s’étendront sur des lignes considérables ; ils ne s’associeront plus seulement aux délassemens et aux plaisirs des habitans de la capitale et de la banlieue ; ils s’associeront au commerce national, et ils en développeront la puissance.

Le chemin de Paris à Orléans commence à tisser ce grand lien qui doit rapprocher de plus en plus le midi et le nord de la France, les pénétrer, pour ainsi dire, l’un de l’autre. Lorsque nous pourrons atteindre Bordeaux dans vingt heures, et Bayonne dans trente, les cimes des Pyrénées s’abaisseront devant notre commerce et notre politique plus qu’elles ne l’ont fait devant le génie de Louis XIV et les armes de Napoléon.

Les lois votées ne sont que le commencement d’un grand travail national ; elles seraient la cause d’une dépense hors de proportion avec le résultat, si elles n’étaient pas suivies d’autres projets et d’entreprises nouvelles. Le chemin d’Orléans serait comme la culée d’un pont non achevé, et ceux de Rouen, de Lille, de Strasbourg, pourraient, s’ils n’étaient promptement rattachés à nos ports de l’Océan, devenir funestes à notre commerce maritime au profit des ports de l’Escaut et de la Hollande.

Le Hâvre et Dunkerque attendent avec une juste impatience les projets que le gouvernement doit élaborer pour compléter le système de nos communications à vapeur, système où ces ports doivent figurer comme des points culminans, ou, à mieux dire, comme des planètes principales, ralliées au point central qui est Paris.

Le moment est d’autant plus opportun que les capitaux anglais, frappés des avantages que nos chemins de fer peuvent offrir, se montrent disposés à franchir la Manche et à venir en aide aux capitalistes français. Ce concours nous mettra à même d’entreprendre de grandes choses sans détourner une portion de notre capital des emplois qu’il a déjà obtenus, sans rien enlever en particulier à l’agriculture, qui est loin d’avoir trouvé toutes les ressources dont elle