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SAVANTES.

compliment dont la fortune a changé l’adresse. » Le traité de Presbourg (26 décembre 1805), qui enleva à l’Autriche Venise, le Tyrol et les îles Illyriennes, fut le prix de la victoire d’Austerlitz.

La prudence et la situation commandaient à Napoléon de prendre, vis-à-vis de la Prusse, un parti décisif. Son ressentiment contre cette puissance était extrême, et déjà commençait à naître dans son ame cette haine que nous verrons bientôt éclater terrible et implacable. Il avait désiré avec passion son alliance, parce que cette alliance était la seule combinaison capable de prévenir entre la France et les monarchies du continent une lutte qui ne pouvait se terminer que par la ruine de la première ou des autres. Au lieu de cette alliée qu’il eût voulu trouver en elle, il rencontrait un ennemi d’intention en attendant qu’elle le fût de fait. Quelle attitude allait-il prendre vis-à-vis de cette cour faible et passionnée, qui n’avait su embrasser franchement aucun parti, pas même celui de la neutralité ? Marcher contre elle et la subjuguer était une résolution extrême dont les conséquences politiques l’effrayaient, quoi qu’en aient pu dire ses ennemis. Il y avait un autre parti conseillé par une politique généreuse et habile : c’était de lui pardonner tous ses torts et de lui offrir de nouveau notre alliance. Mais le roi, qui répugnait à tous engagemens décisifs, le roi qui était poursuivi par les obsessions de nos ennemis jusque dans ses plus chères intimités, consentirait-il à former ces nœuds dans lesquels nous avions vainement essayé pendant si long-temps de l’engager ? N’opposerait-il pas à nos instances nouvelles cette force d’inertie dont il ne s’était départi qu’une seule fois et en faveur de la coalition ? L’empereur ne vit d’autre moyen de l’obtenir qu’en s’emparant de lui violemment. Le 12 décembre, de retour à Schœnbrunn, il fait venir le comte d’Haugwitz, et après lui avoir reproché en langage dur et amer les torts et l’ingratitude de sa cour, il lui donne à choisir entre la guerre ou l’alliance, l’alliance franche, sans réserve, cimentée par l’incorporation du Hanovre à la monarchie prussienne. Le comte d’Haugwitz n’hésita pas, et signa l’alliance le 15 décembre, le jour même où la Prusse avait promis à la Russie et à l’Autriche de se déclarer pour elles. En vertu de ce traité, la France transportait tous ses droits sur le Hanovre à la Prusse, qui, en retour, cédait à la France le margraviat d’Anspach, la principauté de Neuchâtel, ainsi que Wesel, la principauté de Berg et le duché de Clèves. La Bavière s’engagerait à donner à la Prusse un territoire de vingt mille ames pour compenser le margraviat d’Anspach. Par les cessions exigées,