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SAVANTES.

de Tilsitt, qui limitait sa force militaire à quarante-deux mille hommes. Les punitions infamantes furent supprimées du code militaire.

Stein était un adversaire trop passionné et trop dangereux de la France pour ne pas donner ombrage à Napoléon. Un ordre venu de Paris enjoignit au roi de Prusse d’écarter de son gouvernement le ministre réformateur. Stein se retira en Russie, mais n’en continua pas moins de préparer, à l’aide des sociétés secrètes, la délivrance de l’Allemagne.

Les nouvelles réformes étaient une véritable révolution dans l’état civil et administratif des Prussiens. Le roi, si timide dans sa politique extérieure, s’identifia tout entier avec les idées hardies du baron de Stein. Il était dirigé dans ses innovations par un mobile qui ne l’abandonna jamais, l’amour de son peuple et un sentiment profond de la justice et des devoirs de la royauté. Quant aux sociétés secrètes, elles lui inspiraient une sorte de terreur. Il s’effrayait de leur tendance et tremblait qu’elles ne le compromissent avant le temps vis-à-vis de la France : il voyait avec jalousie s’élever à côté du trône une puissance nouvelle qui semblait l’éclipser. Aussi ne voulut-il jamais ni encourager le Tugend-Bund ni lui reconnaître une existence légale.

La rigueur avec laquelle Napoléon avait traité la Prusse, la violence exercée sur les princes d’Espagne, et la crainte de devenir, après la soumission de la Péninsule, la proie de la France et de la Russie, déterminèrent l’Autriche à reprendre les armes. Elle avait fait, en 1805, une guerre d’ambition : elle fit, en 1809, une guerre de désespoir. Elle savait bien qu’en se jetant dans cette nouvelle lutte, elle renverserait l’édifice élevé à Tilsitt, dût-elle être ensevelie sous ses ruines. Elle conjura la Prusse d’unir ses efforts aux siens pour sauver l’Allemagne et l’Europe. Ses manœuvres échouèrent devant la volonté arrêtée du roi de ne point aventurer sa couronne dans une nouvelle guerre contre la France ; mais les sectaires du Tugend-Bund n’eurent pas la même modération. À la nouvelle que les Autrichiens étaient entrés en Bavière, tous les esprits s’émurent ; les chefs militaires, Blücher, Gneisnau, Rudiger, organisèrent, malgré les ordres exprès du roi, le soulèvement général de la population. Le major Schill, qui, le 29 avril, quitta Berlin à la tête de son régiment de hussards, donna le signal. L’enthousiasme était extrême et général ; le roi allait être de nouveau entraîné : déjà des ordres avaient été donnés pour le rappel des semestriers, la remonte de la cavalerie et l’armement des places, lorsque la nouvelle de nos victoires d’Abersberg et d’Eckmühl arrêta le mouvement. Tous les complots atteints du même coup avortèrent,