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mariage fut conclu. Lorsque la duchesse Hélène passa par Berlin pour aller s’unir en France à l’héritier du trône, le roi la reçut dans ses bras avec une extrême émotion. Sans doute la vue de cette jeune princesse lui rappela de douloureux souvenirs et rouvrit une blessure mal fermée. Lui aussi, dans ses jeunes années, il avait demandé une épouse à la maison de Mecklenbourg, et il avait trouvé dans cette union, brisée trop tôt, un bonheur sans nuages.

Aucune puissance en Europe n’a plus habilement profité que la Prusse de la durée de la paix générale. Ses efforts ont eu surtout pour objet, depuis 1830, de compléter l’œuvre commencée de l’association des douanes allemandes. Sa tâche est aujourd’hui à peu près accomplie ; presque tous les états de la confédération, les deux Hesses, la Bavière, Bade, le Wurtemberg, la Saxe, Francfort, Nassau, sont entrés dans cette vaste union, dont elle est le chef et le protecteur. Son influence morale s’est considérablement étendue et fortifiée à la faveur de ce système. La suprématie que les margraves de Brandebourg avaient cherché à obtenir dans une partie de l’Allemagne par l’assimilation des idées religieuses, le grand Frédéric par l’autorité de son génie et de ses armes, Frédéric-Guillaume III a voulu y arriver, dans ses dernières années, par la fusion des intérêts commerciaux. L’Autriche, qui se voit rejetée en dehors du mouvement matériel et moral de la confédération, assiste avec une jalousie secrète et haineuse aux succès de sa rivale. Sa dignité et sa considération souffrent de cet isolement, et l’accord qui règne entre elle et la Prusse sur les questions de politique générale, n’empêche pas que, dans les affaires d’Allemagne, elles ne se livrent une guerre sourde et incessante. Frédéric-Guillaume semble s’être attaché à prouver à toutes les populations qui font partie de l’union que l’esprit de lumières et de sages réformes n’était point incompatible avec une autorité absolue, et leur avoir montré dans la Prusse non pas seulement le protecteur de leur commerce et de leur industrie, mais comme le centre et le foyer de la véritable patrie allemande. Il ne faut pas cependant s’exagérer les avantages qu’elle peut retirer de son patronage commercial. Quant aux profits matériels, elle est plutôt en perte qu’en gain : ses manufactures soutiennent difficilement la concurrence avec celles de la Saxe, et dans la répartition, entre tous les membres de la ligue, des revenus de la douane, elle a éprouvé une réduction sensible dans ses recettes, tandis que d’autres états ont touché une part proportionnelle beaucoup plus forte que ce qu’ils recevaient autrefois. Les résultats politiques du système sont seuls incontestables ; encore sont-ils limités à la durée de la paix.