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REVUE. — CHRONIQUE.

poème des Blés. Nous citerons une Fille du Peuple et un Vœu. Nous regrettons que la pièce intitulée une Nuit de Paris ait été choisie pour terminer le volume. C’est une déclamation banale contre le siècle, et l’auteur n’est point parvenu à sauver la banalité du thème par l’ampleur et l’énergie de la forme. Après avoir lu cette pièce, on ne peut que s’associer au sentiment exprimé dans les dernières stances ; on y voit le poète revenir à ce culte de la nature qui a inspiré la meilleure partie de son recueil. Le salut à la Provence, à Vaucluse, respire une vive et profonde émotion. M. Adolphe Dumas fera bien d’écouter le penchant qui l’entraîne à chanter la belle nature de son pays. N’est-ce pas là une source d’inspirations bien plus féconde que l’exaltation philosophique et que la colère ambitieuse ? Si le culte de la nature lui dicte encore quelques pages comme celles que nous avons signalées dans Provence, M. Adolphe Dumas n’aura point à regretter d’avoir abandonné le culte de la théorie.


La rose de Dékama, traduit du hollandais, de M. Van Lennep, par M. Defauconpret[1]. — Les artistes de la Hollande sont populaires en France. On les admire ; on les aime ; on sait jusqu’aux moindres détails de leur vie. Les poètes, au contraire, y sont à peine connus de nom. Pourquoi cette indifférence ? Cela tient-il aux difficultés de la langue, ou Rembrandt, Van-Dyck, Teniers, ont-il gardé pour eux seuls l’inspiration et le talent ? Non, certes, et depuis le XIIIe siècle, depuis Jacques de Maerlant, ce père de la poésie hollandaise, qui rima en langue vulgaire les annales du monde, et les traditions de son pays, jusqu’à Frédéric Helmers et Bilderdyk, ces gloires de la Hollande moderne, la patrie de Hooft et de Vondel ne compte pas moins de trois cents poètes distingués. La protection des princes de la maison de Bourgogne favorisa, au XVe siècle, le progrès des lettres. Chaque ville, chaque village eut sa chambre de rhétorique, comme les grandes villes de France avaient leurs palinods, comme Toulouse avait les jeux floraux. Dans le siècle suivant, l’essor fut des plus rapides. Délivré du joug espagnol, le génie national se développa dans une sphère plus libre, et, au XVIIe siècle, il avait atteint ses limites et sa grandeur. La première salle de spectacle fut ouverte à Amsterdam, en 1617, et, tout en restant fidèles aux principes de l’antiquité classique, tout en s’inspirant de Corneille et de Racine, les écrivains dramatiques de la Hollande constituèrent bientôt un théâtre original, où furent représentés, avec les productions tragiques de Coster et de Vondel, les chefs-d’œuvre de la scène française, traduits par Catherine Lescaille. La comédie, la farce même, comptèrent, sur ce théâtre, de nombreux succès. Les Hollandais cultivèrent, avec un égal bonheur, la poésie religieuse et descriptive, et ce qui forme le caractère distinctif de leur talent, c’est un ardent amour de la liberté, une morale toujours sévère ; ce sont là de rares et éminentes qualités qu’il est difficile de retrouver au même degré

  1. vol. in-8o, chez Cousin, rue Jacob.