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NÉGOCIATIONS DE LONDRES.

l’Angleterre avec les cours du Nord. Ce traité prouve que sur un point, un seul, il y a dissidence. »


Tel est le thème que lord Palmerston, dans ces termes ou dans d’autres, n’a jamais cessé de développer devant les négociateurs français.

En supposant que ce thème fut aussi fondé qu’il l’est peu, il prouverait d’abord que la France et l’Angleterre se tiennent en général pour complètement dégagées de tout lien l’une à l’égard de l’autre, qu’en toutes choses elles en font à leur tête ; que, quand elles sont naturellement du même avis, elles votent ensemble dans le conseil des cinq puissances, et que, lorsqu’elles sont d’un avis différent, elles votent en sens divers. Cela s’appelle liberté, et non pas alliance. C’est ainsi, par exemple, que l’Autriche et la France ont vécu ensemble depuis dix ans ; ce n’est pas ainsi qu’ont vécu la France et l’Angleterre. Une alliance suppose qu’on se concerte préalablement, qu’on s’efforce de se mettre d’accord, qu’on fait des sacrifices pour y réussir, et qu’en un mot on vote toujours ensemble, par un intérêt supérieur aux intérêts divers qui se succèdent chaque jour, celui d’unir deux grandes influences, et de rendre leur force irrésistible en les réunissant.

La position prise par le cabinet anglais suppose donc tout de suite qu’il n’y a plus ni concert ni union permanente. Encore s’il s’agissait d’un point secondaire, d’un objet de médiocre importance, on pourrait se dire que le dissentiment sur un objet de ce genre ne saurait entraîner la rupture de l’alliance. Mais il n’y a plus aujourd’hui qu’une question tout-à-fait importante, celle d’Orient, car l’Espagne n’attire plus l’attention des puissances ; elle l’attire si peu, que la reine, dans son discours, annonce qu’elle va retirer ses forces navales des côtes de la Péninsule. La question belge est finie par un traité ; en Allemagne, en Italie, tout se tait. Un différend grave allait compromettre à Naples la paix du monde ; la France l’a apaisé, et on l’en remercie. Il n’y a plus qu’une question, une seule, la question d’Orient. Celle-là est d’une immense gravité, d’une gravité telle que depuis 1815, c’est-à-dire depuis que l’âge des grandes choses semblait clos, il ne s’était rien présenté d’aussi considérable, rien qui méritât à un aussi haut degré l’attention et le concours de deux nations qui voulaient s’entendre pour maintenir la paix. Et, sur cette question, on se sépare brusquement de la France, presque sans avis préalable ; on se met avec ses adversaires avoués ou déguisés, on se