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pas refuser, ou d’accepter cette proposition si elle lui était faite, mais d’attendre, avant de s’expliquer, le résultat des efforts qu’on allait tenter à Alexandrie pour amener le pacha à y consentir. Il eût été, en effet, bien imprudent d’accepter cette proposition à Londres sans savoir s’il y avait chance de la faire accepter à Alexandrie. Que serait-il arrivé, en effet, si, consentie à Londres par la France, cette proposition eût été refusée en Égypte ? La France aurait été obligée, ou de retirer le consentement donné à Londres, ou de s’unir aux quatre puissances pour détruire de ses mains le pacha d’Égypte.

Il fut dit à M. Guizot : — Si cette nouvelle proposition vous est faite, adressez-vous au cabinet, qui vous donnera sa réponse définitive. — M. Eugène Périer fut envoyé à Alexandrie, pour s’assurer si le pacha pourrait être amené à se contenter de l’Égypte héréditaire et de la Syrie viagère, et si, le jour où la France pèserait sur lui de tout son poids, elle ne vaincrait pas sa résistance. La France n’entendait cependant pas dépendre en dernier ressort de l’ambition du pacha ; il était un point où elle voulait s’arrêter, et où elle était décidée même à lui dire les paroles qui pouvaient le faire céder ; mais c’était lorsque la proposition faite serait équitable, et contiendrait un arrangement raisonnable et rassurant pour l’avenir. La Syrie entière, même viagèrement, avait à peu près ces avantages.

Ainsi, d’après quelques insinuations, on devait s’attendre que la proposition de céder l’Égypte héréditairement, et la Syrie viagèrement, serait faite à Londres, ou que du moins, si on ne voulait pas la faire, on reviendrait une dernière fois à celle de donner l’Égypte avec le pachalik d’Acre. Mais il n’en a rien été. Lord Palmerston s’est tu. Il n’a plus rien dit. Jamais la proposition de céder l’Égypte héréditairement, la Syrie viagèrement, n’a été faite. Jamais le cabinet français n’a eu à la refuser. On devait s’attendre au moins que, si l’Angleterre persistait dans celle qui se bornait à joindre à l’Égypte le pachalik d’Acre seulement, on provoquerait une dernière explication de la France. Pas du tout. On garde un long silence, puis tout à coup, à la nouvelle de l’insurrection de Syrie, qui fournit un moyen jusque-là inespéré d’agir contre le vice-roi, on s’assemble, on délibère. On garde un profond secret, pénétré, il est vrai, par notre ambassadeur, mais on le garde du mieux qu’on peut ; on ne dit pas à la France : — La proposition de joindre à l’Égypte le pachalik d’Acre seulement est la proposition définitive à laquelle on s’arrête. Voulez-vous, ne voulez-vous pas y concourir ? — Loin de là. On signe, puis on appelle la France pour lui dire qu’on a signé.