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sions. Tout à coup une nouvelle inattendue a retenti, et en Angleterre comme en France, l’agitation a succédé au calme, et l’inquiétude à la sécurité.

Cette nouvelle, la voici dans ce qu’elle a de fondamental, et je le crains, d’irréparable. Depuis la révolution de juillet en France, et la réforme en Angleterre, une alliance honorable, utile, féconde, avait réuni deux grands peuples long-temps divisés, mais qui semblaient enfin comprendre enfin ce qu’ils valent l’un et l’autre, et renoncer à de vieilles antipathies. Grace à cette union, l’Europe constitutionnelle tenait en échec l’Europe absolutiste, la paix était maintenue, et chaque nation, maîtresse chez elle, avançait paisiblement dans les voies largement ouvertes de la civilisation. Or, c’est cette union qui vient de se rompre subitement, capricieusement, par la volonté et par les mains d’un ministre imprévoyant !

Pour ma part, j’admets volontiers les explications, je crois aux protestations, et j’acquitte le ministère anglais de toute intention outrageante ou hostile envers la France. Il y a plus ; j’espère encore que le funeste traité du 15 juillet restera une lettre morte, et que la crainte de précipiter l’Europe dans une crise terrible pèsera assez sur les gouvernemens pour les amener à une juste transaction. Mais cette transaction accomplie, il n’en restera pas moins un fait déplorable, c’est qu’un jour, sans motif sérieux, l’Angleterre se sera séparée de la France pour se rapprocher de la Russie ; c’est que cet évènement imprévu aura réveillé des sentimens assoupis, ranimé des haines éteintes, fait revivre des jalousies et des méfiances qui n’existaient presque plus ; c’est que la grande alliance occidentale aura ainsi reçu un coup peut-être mortel. Et ce coup, ce ne sont point les tories qui l’auront porté ; ce sont les whigs, les whigs en qui la France, depuis tant d’années, avait mis sa confiance, les whigs dont l’amitié ne lui paraissait point douteuse, et qu’elle soutenait de son approbation et de ses vœux !

Dans cette situation nouvelle, l’état intérieur de l’Angleterre mérite plus que jamais de fixer notre attention. Plus que jamais, il nous importe de savoir ce qu’il faut penser des agitations diverses qui périodiquement viennent troubler son repos, et si le ministère qui dirige en ce moment ses affaires, a chance de les diriger long-temps. Mais, pour se livrer utilement à cette étude, il convient de se mettre en garde contre les préoccupations du jour, et de se défendre de tout sentiment d’amertume et de colère. C’est ce que je tâcherai de faire, et, pour être plus certain d’y réussir, je me reporterai fidèlement