Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/700

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
696
REVUE DES DEUX MONDES.

À l’heure qu’il est, lord Stanley, malgré son origine, malgré ses antécédens, malgré ses affections personnelles, semble donc plus rapproché des ultra-tories que sir Robert Peel, et plus éloigné du parti réformiste ; il est d’ailleurs l’adversaire infatigable de l’Irlande catholique et l’ennemi en titre d’O’Connell. Quand l’un des deux se lève, on est certain que l’autre se lèvera ensuite, et que les deux côtés de la chapelle Saint-Étienne retentiront successivement de longs applaudissemens. Dans les assemblées populaires d’Angleterre ou d’Irlande, n’est-ce pas aussi lord Stanley et O’Connell, le scorpion et le grand mendiant, pour parler le langage grossièrement injuste des partis, que l’on met toujours en présence ? N’est-ce pas entre ces deux hommes, si différens sous tous les rapports, mais tous deux si éminens, une sorte de duel à mort continué ou repris chaque jour avec un acharnement nouveau ?

Si lord Stanley, si O’Connell n’étaient que des ambitieux, la paix entre eux serait possible. Mais O’Connell est et restera toujours le représentant énergique et passionné de l’Irlande catholique. Lord Stanley, de son côté, quand il a quitté le pouvoir plutôt que de porter la plus légère atteinte à l’établissement anglican, n’a fait qu’obéir aux convictions de toute sa vie, et accomplir un devoir de conscience. Comment dès-lors comprendre que lord Stanley puisse jamais réclamer ou accepter le concours d’O’Connell ?

Je ne parle pas du duc de Wellington, dont la vie politique semble achevée, ni de lord Lyndhurst, jadis whig et plus que whig, aujourd’hui l’organe le plus éloquent et le plus âpre du parti tory.

De ce qui précède, je conclus que l’Irlande, en ce moment, élève entre les whigs et les tories une barrière insurmontable. Si lord Melbourne tombe, qui donc le remplacera ? Il fut un temps où les radicaux espéraient en lord Durham ; mais cet homme d’état vient de mourir, et on ne lui voit point de successeur dans le parti radical. Quand lord Durham vivrait, d’ailleurs, il est peu probable que la chambre des communes, telle qu’elle est aujourd’hui composée, lui permît de gouverner. Après lord Melbourne, sir Robert Peel est donc le ministre nécessaire, et tout annonce qu’une dissolution pourrait lui donner une majorité de quelques voix. Cette majorité suffirait-elle ? Oui, s’il s’agissait seulement de gouverner l’Angleterre et de résister aux chartistes. Mais à côté de l’Angleterre il y a l’Irlande, qui ne paraît point disposée à courber patiemment la tête. En janvier dernier, l’avénement des tories paraissait prochain, et déjà l’Irlande s’agitait jusque dans ses fondemens. Qu’on lise la lettre écrite à cette