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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

qui finit par avoir le dessus, regagnant tout à coup, par un détour et à l’aide d’une flatterie, le terrain qu’il vient de perdre.

Arlequin, dans ses pièces renouvelées de l’ancien répertoire et dans d’autres pièces plus modernes, cherche toujours à tirer parti de son agilité. Il joue habituellement le rôle de valet dans les comédies, et celui de niais dans les monstrueux mélodrames empruntés au théâtre allemand ; mais il n’est jamais plus à son aise que dans ces petites comédies bouffonnes qu’au moment du carnaval on daigne parfois composer pour lui, et qui, dans leur genre, sont des chefs-d’œuvre, surtout lorsque des gens d’esprit comme Antonio Cesari, Carlo Porta ou Anelli, le fameux faiseur de libretti, se sont donné la peine de les rimer. Anelli, pendant vingt ans, a eu le talent de se moquer tour à tour des Français et des Allemands, sans que ni les uns ni les autres aient pu s’en fâcher. Dans l’Italiana in Alghieri, il eut même l’audace de se moquer de la nullité du sénat milanais, qu’il caractérisa par ce vers devenu proverbial :

Mangiar, bere e lasciar fare.

Comme la pièce faisait fureur, on eut le bon esprit de ne pas paraître comprendre l’épigramme et de laisser faire.

L’analyse d’une de ces pièces bouffonnes, en montrant ces masques en action, fera connaître ce genre de comédie populaire mieux qu’une longue appréciation. Nous choisirons, comme nous l’avons fait jusqu’ici, la pièce qui a toujours obtenu le plus grand succès. C’est une imitation du Macco d’Antonio Cesari : cette pièce a pour titre : les Trois Poltrons.

Ambrogio Burlamatti, noble Véronais, et plusieurs de ses amis Vénitiens, sont en villégiature dans l’un des jolis casinos de la Brenta. L’automne est arrivé ; c’est la saison des tempêtes dans ces provinces de l’Italie situées au pied des Alpes. Il pleut, il vente, il tonne. La chasse, la pêche, la promenade, divertissemens favoris de ces jeunes gens oisifs, ne leur sont plus permises, et, s’ils ne trouvent quelque autre façon de passer le temps, nos prisonniers vont mourir d’ennui. Burlamatti et Stefano son ami se creusent la tête et ne peuvent rien imaginer. Tout à coup Ambrogio pousse un cri de joie, et s’adressant à Stefano : — Sois tranquille, mon ami, lui dit-il, nous voilà désensorcelés ; nous ne mourrons pas encore cette fois, je puis même t’assurer que cette nuit nous allons rire. — Tant mieux, car j’aimerais tout autant digérer mon ennui entre deux draps qu’autour d’une table de jeu où l’on se ruine. — Écoute-moi : tu sais que