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LE THÉÂTRE EN ITALIE.


V.
La Comdie italienne, le Drame moderne et les Acteurs.


Lorsque l’on voit Bossuet condamner si hautement la comédie, ce pernicieux plaisir qui, dit-il, ne flatte que les passions des hommes dont le fond est grossier, qui ridiculise la vertu et la piété, excuse la corruption qu’il rend plaisante, offense la pudeur toujours en crainte d’être violée par les derniers attentats ; quand, non content de proscrire un plaisir où l’homme, selon ses expressions, se fait à la fois un jeu de ses vices et un amusement de la vertu, on le voit s’attaquer à Molière, le traiter d’infâme et le poursuivre même dans la tombe de désolans anathèmes, on a peine à concevoir que la cour d’un pape, chef de cette religion dont Bossuet n’était que l’un des ministres, ait été le berceau de la comédie renaissante : et de quelle comédie ? de cette comédie italienne si pleine de prostitutions ! s’écrie encore Bossuet. Ce pape, il est vrai, c’est l’aimable Léon X. Poète, musicien, grand chasseur, et par-dessus tout homme d’esprit, ce chef de l’église eut à la fois les goûts d’un artiste et ceux d’un souverain, et, pendant les neuf années qu’il occupa la chaire de saint Pierre, sa cour ressembla plutôt à celle d’un prince séculier qu’à celle du successeur du prince des apôtres.

Nous ne considérerons ici Léon X que comme poète et homme d’esprit, car c’est à ce titre qu’il choisit pour secrétaires Sadolet et Bembo, et Béroalde pour bibliothécaire ; qu’il protège le vieux Lascaris ; qu’il correspond avec Érasme et tous les beaux esprits du temps ; qu’il établit une université romaine et s’entoure d’une légion de poètes, d’écrivains et d’artistes. Ce pape et tous ces jeunes cardinaux, riches, spirituels, amis du plaisir comme lui, les Sigismond Gonzague, les Bibbiena, les Hippolyte d’Este, avaient pris la religion du côté riant, et ne semblaient préoccupés que d’un seul objet, de jouir gaiement de la vie.

Quelques beaux et grands esprits, comme les Machiavel, les Bibbiena, l’Arétin et l’Arioste, avaient composé des comédies d’autant plus libres et plus hardies, que leurs auteurs occupaient, dans la société de cette époque, un rang plus élevé, et pouvaient beaucoup se permettre. Le pape Léon X, qui aimait toute espèce de plaisirs, et surtout les plaisirs de l’intelligence, voulut que ces