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LE TOMBEAU DE NAPOLÉON.

çois Ier et de Henri II. Néanmoins aucun de ces monumens n’est destiné à exprimer franchement cette double idée de mort et d’apothéose. En surmontant la tombe et la statue couchée d’un petit édifice de marbre tout à jour et si délicatement profilé, ce qu’on cherchait par-dessus tout, c’était une combinaison agréable aux yeux, un harmonieux ajustement ; peut-être aussi voulait-on reproduire l’aspect d’un lit ou d’un dais d’honneur. À la vérité, sur la plate-forme que supportent ces élégantes arcades, on voit les monarques revêtus de leurs habits royaux, tandis que sur le sarcophage leur corps, amaigri et décharné par la mort, offre la plus hideuse image. Mais ce contraste est surtout une idée chrétienne ; ce qui le prouve, c’est que ces puissans monarques sont à genoux priant Dieu, humiliant leur grandeur devant la majesté divine, et semblant demander pitié pour les actes de leur vie dont ces cadavres gisans sous leurs pieds sont un souvenir et une image.

En se servant de cette donnée, M. Marochetti en a complètement changé la signification, le caractère et les proportions. Ce n’est pas sous des arcades finement évidées, sous une brillante colonnade qu’il veut enfermer son sarcophage et sa statue, c’est dans les profondeurs d’un vaste soubassement, formé de quatre épaisses et impénétrables murailles. Il n’a que faire de ces pilastres délicatement festonnés, de ces rinceaux, de ces corniches si bien découpées et refouillées ; tout ce luxe, toute cette coquetterie de sculpture, il n’en a pas besoin ; ses murailles sont lisses comme la base d’un bastion. Quatre portes de bronze donnent accès dans la chambre funèbre, qui ne reçoit d’autre clarté que la lueur d’une lampe. Chaque porte est surmontée d’un énorme linteau dont l’épaisse saillie s’appuie sur deux pilastres massifs, et soutient un grand aigle aux ailes tombantes et reployées en signe de deuil, morne gardien de cette gloire dont il fut le symbole.

Jusqu’ici nous ne voyons que le soubassement, l’enveloppe du sanctuaire, le premier étage du mausolée ; mais au-dessus de ce soubassement s’élève en retraite un socle immense, et aux quatres angles de ce socle sont assises quatre figures colossales, vieillards athlétiques, la tête enveloppée dans un vaste manteau qui retombe en flottant sur leur corps.

Quels sont ces vieillards ? Ne demandez ni leur nom, ni leur patrie. Voyez entre leurs mains, sur leurs genoux, ce sceptre, cette épée, ces deux couronnes, et vous comprendrez à quoi ils pensent, ce qui vaut mieux que de savoir qui ils sont. Ces méditations dans lesquelles ils demeurent plongés, vous y entrerez comme eux, et vous saurez,